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Mandat d’arrêt de la CPI contre le chef de la police libyenne

Coup de théâtre : la CPI a délivré un mandat d'arrêt contre le chef de la police libyenne pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Arrêté en Italie, il a été mystérieusement relâché, déclenchant un tollé...

Un véritable séisme diplomatique vient de secouer les relations entre la Libye, l’Italie et la Cour Pénale Internationale (CPI). Mercredi, cette dernière a annoncé avoir délivré un mandat d’arrêt à l’encontre d’Osama Almasri Najim, le chef de la police judiciaire libyenne, pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité d’une gravité inouïe. Mais le suspect, pourtant arrêté par les autorités italiennes dimanche à Turin, aurait été mystérieusement libéré mardi sans que la CPI n’en soit informée au préalable, déclenchant une vague d’indignation.

Des crimes odieux au cœur des accusations

Selon les informations communiquées par la CPI, M. Najim, qui dirigeait le centre de détention de Mitiga à Tripoli, est recherché pour une longue liste d’exactions commises depuis février 2015 :

  • Meurtres
  • Viols
  • Actes de torture

D’après le tribunal international, ces crimes auraient visé des détenus en raison de leur appartenance religieuse, ou parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir un « comportement immoral » ou des liens avec des groupes armés. Des accusations gravissimes qui jettent une lumière crue sur les conditions de détention en Libye, régulièrement dénoncées par les ONG.

L’Italie dans la tourmente après la libération du suspect

Mais cette affaire prend une tournure encore plus explosive avec les circonstances troubles entourant l’interpellation puis la remise en liberté d’Osama Almasri Najim sur le sol italien. Arrêté dimanche à Turin sur la base d’un mandat de la CPI transmis via Interpol, le chef de la police libyenne a pourtant été relâché et renvoyé dans son pays mardi, sans aucune explication de la part des autorités transalpines.

Un revirement qui a suscité la colère de la Cour, qui a tenu à souligner que cette décision avait été prise « sans notification préalable ni consultation », et qu’elle cherchait à présent à « obtenir des vérifications sur les mesures qui auraient été prises ». Un camouflet pour l’Italie, pourtant signataire du Statut de Rome et donc légalement tenue de coopérer avec la CPI.

Un scandale politique en Italie

Sans surprise, cette volte-face a provoqué un tollé au sein de la classe politique italienne. Les partis d’opposition exigent des comptes de la part de la Première ministre Giorgia Meloni, la pressant de s’expliquer devant le Parlement sur cette décision jugée « très opaque ». La leader du Parti Démocrate Elly Schlein a ironisé :

Giorgia Meloni voulait poursuivre les trafiquants d’êtres humains dans le monde entier, un Libyen a été arrêté en Italie et au lieu de donner suite à la demande de la CPI, ils l’ont renvoyé impunément en Libye.

De son côté, la députée centriste Maria Elena Boschi s’est étonnée qu’un individu sous le coup d’un mandat de la CPI ait pu se sentir suffisamment en sécurité pour « faire du tourisme à Turin et même aller voir un match », avant d’être « libéré grâce à un détail juridique » et « ramené en Libye par un vol de l’armée de l’air ».

De lourds soupçons sur les centres de détention libyens

Au-delà des répercussions diplomatiques, cette affaire vient raviver les critiques sur les accords controversés entre Rome et Tripoli concernant la gestion des flux migratoires. Depuis 2017, l’Italie finance et forme les garde-côtes libyens pour qu’ils interceptent les migrants en mer et les renvoient vers la Libye, où beaucoup se retrouvent dans ces centres de détention tristement réputés pour leur violence et leurs conditions inhumaines.

Les derniers développements risquent de fragiliser encore davantage ce partenariat, déjà dénoncé par de nombreuses organisations de défense des droits humains. L’émoi suscité par la libération d’Osama Almasri Najim illustre l’urgence d’une remise en question de cette coopération, qui semble s’accommoder de responsables accusés des pires exactions.

Reste à voir quelles seront les suites données par la CPI, qui pourrait voir dans cette affaire un test crucial de son autorité et de sa capacité à obtenir la collaboration des États. Une chose est sûre : entre crimes de guerre, dissimulation et manœuvres diplomatiques, ce dossier est loin d’avoir livré tous ses secrets, et promet encore de nombreux rebondissements.

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