Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, le Rassemblement national révise à la baisse plusieurs propositions phares de son programme présidentiel de 2022. Des inflexions tactiques qui interrogent sur les ambitions et la stratégie du parti lepéniste à l’approche des élections législatives.
Le RN, un parti en quête de crédibilité et de pouvoir
Arrivé en tête au premier tour de la présidentielle dans plus de 30 départements, le RN espère bien capitaliser sur cette dynamique pour faire une percée historique aux législatives. Mais pour transformer l’essai et approcher des leviers du pouvoir, le mouvement d’extrême droite semble prêt à lâcher du lest sur certains marqueurs idéologiques clivants.
Adieu abattage rituel et préférence nationale
Fini l’interdiction totale de l’abattage rituel tant décriée par les communautés juive et musulmane, place à une simple “limitation”. Exit aussi la “préférence nationale”, jugée discriminatoire et anticonstitutionnelle, au profit d’une formule plus policée de “priorité nationale”. Des concessions de pure forme ou des évolutions de fond ?
“Je ne renonce à rien mais j’ai la lucidité de dire que je ne réparerai pas en trois jours 30 ans d’échecs politiques”
Jordan Bardella, président par intérim du RN
TVA à 0% et port du voile reportés
Même traitement pour l’emblématique TVA à 0% sur les produits de première nécessité, renvoyée à plus tard pour cause de “réalité budgétaire dégradée”. Quant à l’interdiction du port du voile dans l’espace public, elle est prudemment rangée au rayon des promesses de campagne à long terme. Le signe d’un RN plus pragmatique que dogmatique ?
Un positionnement ambigu sur les retraites et l’Europe
Sur d’autres sujets clivants comme la réforme des retraites ou la relation avec l’Union européenne, le parti lepéniste maintient un flou artistique. Si le report de l’âge légal à 65 ans est rejeté, aucune contre-proposition claire n’est avancée. Idem sur le “Frexit”, désormais présenté comme un simple moyen de pression sur Bruxelles.
Vers un RN “light” pour mieux séduire l’électorat ?
Derrière ces inflexions programmatiques, c’est bien une stratégie de dédiabolisation et de normalisation que poursuit le Rassemblement national. L’objectif : gommer l’étiquette d’extrême droite du parti pour le rendre plus acceptable aux yeux de l’opinion et ainsi élargir son socle électoral traditionnel.
- Cibler les abstentionnistes et les déçus des autres partis
- Séduire les électeurs de centre droit orphelins d’une alternative crédible
- Se poser en opposition “responsable” et force de proposition
En lissant ses aspérités idéologiques les plus radicales, le RN cherche à rassurer un électorat volatile à la recherche d’un vote “utile” et protestataire. Quitte à brouiller sa ligne politique et à décevoir une partie de sa base militante la plus identitaire.
Un virage “attrape-tout” risqué pour la cohérence du RN
Ce grand écart idéologique n’est cependant pas sans risque pour le RN. En tentant de ratisser toujours plus large, le parti s’expose à un procès en opportunisme et en incohérence. Comment concilier la volonté de puissance électorale et la fidélité aux fondamentaux du parti ? Le dilemme stratégique du RN pour les législatives et au-delà.
“La majorité des électeurs ne votent pas pour le RN et son programme mais contre tous les autres partis”
Un cadre du RN
Alors posture tactique passagère ou tournant idéologique durable ? Seules les urnes diront si la mue du RN en parti de gouvernement est crédible aux yeux des Français. En attendant, ces renoncements à répétition jettent le trouble sur la véritable boussole politique du mouvement lepéniste.
