En cette fin d’année 2024, un vent de révolte souffle sur les campagnes françaises. Ras-le-bol des normes, des contraintes administratives, des revenus en berne… Les agriculteurs, pourtant piliers de notre économie et garants de notre souveraineté alimentaire, se sentent abandonnés, incompris. Face à ce mal-être grandissant, le gouvernement a décidé de réagir. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard a annoncé ce samedi une série de mesures chocs visant à redonner de l’air et de l’espoir au monde agricole. Décryptage.
Un secteur en crise, des agriculteurs à bout
L’agriculture française traverse une période noire. En 50 ans, le nombre d’exploitations a été divisé par quatre, passant de 1,5 million en 1970 à moins de 400 000 aujourd’hui. Un déclin vertigineux qui s’accompagne d’une profonde détresse dans les campagnes. Selon une étude récente, 30% des agriculteurs vivraient sous le seuil de pauvreté. Un chiffre alarmant qui témoigne de l’urgence de la situation.
Au cœur du problème : l’incapacité chronique des agriculteurs à dégager un revenu décent de leur activité. « On travaille de plus en plus, pour gagner de moins en moins », se désole Jean-Michel, éleveur bovin en Corrèze. Entre la flambée des coûts de production, la guerre des prix dans la grande distribution et la concurrence des produits importés, difficile en effet pour nos paysans de s’en sortir. Sans parler de la montagne de normes et de contraintes administratives qui pèsent sur leur quotidien.
« Les agriculteurs en ont ras-le-bol des interdictions, des procédures, des normes. Ce sont véritablement des boulets qui se sont accumulés au point de creuser la compétitivité des exploitations. »
Annie Genevard, ministre de l’Agriculture
Des actions coup de poing pour se faire entendre
Face à ce ras-le-bol généralisé, la colère gronde dans les champs de France. Depuis le 18 novembre, les agriculteurs multiplient les actions coup de poing aux quatre coins du pays :
- Opérations escargot sur les routes
- Déversements de fumier et de pneus devant les préfectures
- Intrusions dans les grandes surfaces pour dénoncer les marges excessives
- Distributions gratuites de produits au grand public
Une mobilisation massive orchestrée par les syndicats FNSEA et Jeunes Agriculteurs, bien décidés à faire plier le gouvernement. Dans leur viseur notamment : le très controversé accord de libre-échange entre l’Union Européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), perçu comme une menace mortelle pour les éleveurs français.
Le gouvernement dévoile son plan d’action
Soucieux d’apaiser les tensions, l’exécutif a donc décidé de dégainer l’artillerie lourde. Selon nos informations, le plan dévoilé par Annie Genevard s’articule autour de plusieurs axes majeurs :
- Simplification des procédures pour accélérer la mise sur le marché de certains produits phytosanitaires
- Instructions aux préfets pour raccourcir les délais d’instruction des projets d’élevage
- Fixation des dates des travaux agricoles au niveau local et non plus national
- Suppression des doublons dans les demandes de documents administratifs
L’objectif affiché est clair : « venir à bout, méthodiquement, de tous les freins à la production », martèle la ministre. Une main tendue que les principaux syndicats agricoles semblent vouloir saisir, saluant des « annonces qui vont dans le bon sens ». Tout en prévenant : « le travail sur la simplification est loin d’être achevé ».
Des zones d’ombre persistantes
Car au-delà de ces mesures techniques, de nombreux points d’inquiétude demeurent pour la profession. À commencer par l’épineuse question du revenu des agriculteurs, grande absente des annonces gouvernementales. Comme le souligne un responsable syndical, « on ne pourra pas faire l’impasse éternellement sur le sujet des prix, c’est une question de survie pour des milliers d’exploitations ».
Autre sujet de crispation : les éventuelles contreparties environnementales qui pourraient être exigées en échange de ces assouplissements. Car si le gouvernement se montre conciliant sur les procédures, il n’entend pas pour autant renoncer à ses ambitions écologiques, avec en ligne de mire la réduction des pesticides et la transition vers une agriculture plus durable. Un équilibre délicat à trouver, qui promet encore de vifs débats dans les semaines à venir.
L’agriculture française à la croisée des chemins
Une chose est sûre : cette crise est révélatrice des profonds défis auxquels est confrontée l’agriculture française au 21ème siècle. Comment assurer la compétitivité de nos exploitations dans un marché mondialisé tout en répondant aux attentes sociétales en matière de qualité et d’environnement ? Comment redonner de l’attractivité à un métier de plus en plus déserté par les jeunes générations ? Autant de questions existentielles qui appellent une réponse politique forte et une vision d’avenir pour notre modèle agricole.
Car derrière ces tensions, c’est bien l’avenir de notre souveraineté alimentaire qui se joue. Dans un monde de plus en plus instable, marqué par le dérèglement climatique et la montée des risques géopolitiques, préserver une agriculture forte et diversifiée sur notre territoire est un enjeu stratégique majeur. Il en va de notre sécurité, de notre santé, mais aussi de notre identité et de nos paysages.
A l’aube de 2025, le monde agricole est donc à un tournant. Entre colère et espoir, doutes et combats, nos agriculteurs attendent des actes forts et un véritable projet pour l’agriculture française de demain. Le chemin sera long et semé d’embûches, mais une chose est sûre : la France a plus que jamais besoin de ses paysans. A nous tous, citoyens, consommateurs, décideurs, de nous mobiliser à leur côtés. Car l’avenir de notre assiette, et de notre planète, en dépend.