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L’Abbé Pierre Effacé de la Fresque des Lyonnais Suite aux Accusations

Un choc pour Lyon : suite aux lourdes accusations d'agressions sexuelles, l'Abbé Pierre a été effacé de l'emblématique Fresque des Lyonnais. Une décision qui soulève de nombreuses questions sur l'héritage de cette figure et l'avenir d'Emmaüs. Récit d'un symbole qui s'effondre...

C’est un événement qui secoue Lyon et la France entière. Suite aux multiples accusations d’agressions sexuelles visant l’Abbé Pierre, sa figure a été définitivement retirée de la célèbre Fresque des Lyonnais qui orne un mur du 1er arrondissement. Une décision lourde de sens qui soulève de nombreuses interrogations sur l’héritage de cet homme d’Église et l’avenir du mouvement Emmaüs qu’il a fondé.

La fresque amputée d’un visage emblématique

Depuis le 26 novembre, les Lyonnais ont pu constater la disparition progressive du portrait de l’Abbé Pierre de la Fresque des Lyonnais, œuvre réalisée en 1994 par la coopérative CitéCréation. Aux côtés de personnalités comme Paul Bocuse, Bernard Pivot ou Antoine de Saint-Exupéry, celui qui lutta contre la pauvreté et fonda le mouvement Emmaüs en 1949 occupait une place de choix. Mais après les révélations chocs publiées par plusieurs médias à l’automne dernier, la mairie a demandé le retrait de cette figure désormais controversée.

En effet, ce sont pas moins de 24 femmes qui ont témoigné avoir subi des agressions sexuelles de la part de l’Abbé Pierre entre 1950 et 1970, lorsqu’il était aumônier scout. Des faits qualifiés de « gestes déplacés » et d' »attouchements » que l’ecclésiastique aurait commis en toute impunité, protégé par son aura et le silence de l’Église. Face à l’ampleur des accusations, les institutions lyonnaises ont souhaité prendre leurs distances.

La Ville ne peut cautionner sur l’espace public la mise en avant d’une personne contre laquelle de telles accusations sont portées.

Grégory Doucet, maire écologiste de Lyon

Des réactions contrastées

Si la mairie assume pleinement sa décision, d’autres voix s’élèvent pour rappeler l’œuvre accomplie par l’Abbé Pierre en faveur des plus démunis. C’est notamment le cas de certains compagnons d’Emmaüs, pour qui l’homme reste un modèle en dépit des zones d’ombre. « Il a changé des milliers de vies, on ne peut pas tout effacer », confie ainsi un bénévole sous couvert d’anonymat.

Du côté de l’Église catholique, le malaise est palpable. Mis en cause pour son silence complice, l’archevêché de Lyon a publié un communiqué évoquant des « actes inqualifiables » mais aussi un « immense élan de charité ». Une position ambiguë qui reflète la difficulté à trancher entre condamnation des abus et reconnaissance du combat social mené.

Un symbole s’effondre

Au-delà de la Fresque des Lyonnais, c’est tout un symbole qui vacille. L’Abbé Pierre, élu plusieurs fois « personnalité préférée des Français », était une figure quasi-intouchable, incarnant des valeurs de générosité et de solidarité. Son organisation Emmaüs, présente dans 41 pays, apparaissait comme un modèle d’aide aux exclus. Mais la révélation de sa face sombre vient ternir durablement cette image.

Certains n’hésitent pas à faire un parallèle avec d’autres affaires d’agressions sexuelles dans l’Église, comme celle du père Preynat à Lyon. La libération de la parole des victimes met en lumière un système où les abus étaient tus et les coupables protégés au nom de leur statut. Une omerta dénoncée par de nombreuses associations.

Que ce soit un prêtre médiatique comme l’Abbé Pierre ou un curé de paroisse, il y a eu trop longtemps un climat d’impunité pour les agresseurs.

François Devaux, cofondateur de l’association La Parole Libérée

Un héritage à repenser

Pour le mouvement Emmaüs, l’heure est à une profonde remise en question. Si les responsables actuels se désolidarisent des actes de leur fondateur, l’onde de choc est inévitable. Comment se reconstruire quand celui qui incarnait vos valeurs est accusé du pire ? Certains appellent à distinguer le message de l’homme, à ne pas faire table rase de décennies d’engagement sincère de milliers de bénévoles.

D’autres voient dans ce séisme l’occasion d’un nouveau départ. De repenser le combat contre l’exclusion en s’affranchissant du mythe du héros providentiel. De promouvoir davantage la parole des personnes accompagnées. Et surtout, de ne jamais fermer les yeux sur les dérives, d’où qu’elles viennent.

L’effacement de l’Abbé Pierre de la Fresque des Lyonnais ouvre ainsi une réflexion profonde. Sur la mémoire que l’on choisit de mettre en avant dans l’espace public. Sur la responsabilité des institutions face aux victimes. Sur la nécessité de toujours rester vigilant, par-delà les statuts et les icônes. Le débat ne fait sans doute que commencer.

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