Au cœur de Tbilissi, la capitale géorgienne, des milliers de manifestants pro-européens bravent le froid et la répression policière soir après soir. Déçus par le recul du gouvernement sur l’adhésion à l’Union Européenne, ils trouvent dans ces rassemblements massifs un remède collectif à leur mélancolie et un moyen de raviver l’espoir d’un avenir meilleur pour leur pays.
Une année éprouvante pour l’opposition géorgienne
Pour beaucoup de manifestants comme Ani Bakhtouridzé, 32 ans, l’année écoulée a été particulièrement difficile. Très attachés aux valeurs européennes, ils ont le sentiment que le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, éloigne leur pays de cet idéal pour le rapprocher de la Russie.
Nous avons voté pour l’Union européenne, pour la liberté, pour les droits humains. Et que fait notre gouvernement ? L’exact inverse.
– Ani Bakhtouridzé, manifestante
Malgré la victoire contestée du Rêve géorgien aux législatives d’octobre, l’opposition avait gardé l’espoir d’un changement. Mais la décision récente du gouvernement de repousser les discussions sur l’adhésion à l’UE a été vécue comme une véritable douche froide, plongeant nombre d’entre eux dans le désespoir et l’angoisse.
Les manifestations comme thérapie collective
Face à cette morosité ambiante, les grands rassemblements qui se succèdent depuis plusieurs jours apparaissent comme une bouffée d’oxygène. En descendant dans la rue, les manifestants ont le sentiment de reprendre leur destin en main et de faire « du bon travail » pour leur pays.
Pour Ani Bakhtouridzé, ces événements sont aussi un moyen de donner de la visibilité à la cause pro-européenne en Géorgie et d’éviter que la communauté internationale ne les oublie. Une façon de puiser la force de continuer à résister malgré les déceptions.
À chaque fois que j’entends parler d’une nouvelle décision du gouvernement, je suis dévastée. Mais en venant aux rassemblements, je trouve des gens qui pensent comme moi.
– Ketevan Bakhtouridzé, étudiante et manifestante de 21 ans
Une nouvelle génération en première ligne
La jeunesse géorgienne est particulièrement mobilisée et considérée comme le fer de lance du mouvement. Pour Ketevan Bakhtouridzé, 21 ans, les manifestations sont devenues un lieu de socialisation où elle croise toutes ses connaissances. « Ce serait parfois vraiment drôle, si ce n’était pas aussi triste », confie-t-elle.
Malgré la répression parfois violente des autorités, avec usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes, la détermination des manifestants reste intacte. Comme l’affirme Ketevan : « Même s’ils me battent ou s’ils m’arrêtent, je m’en fous. Je dois venir ici ».
L’espoir comme moteur de la lutte
Si les manifestations ne suffiront sans doute pas à renverser le gouvernement à court terme, elles permettent de maintenir la flamme de la contestation. Nino Barliani, manager de 29 ans, est convaincue que l’opposition finira par l’emporter, même si le chemin sera long.
L’espoir est la raison pour laquelle je suis là ce soir. On a confiance en l’avenir.
– Nino Barliani, manifestante
Pour d’autres comme Zack Tchkheidzé, professeur d’art de 40 ans, la question de l’espoir ne se pose même pas. Présent à chaque manifestation depuis plus de dix ans, il continuera à se battre sans relâche pour son pays.
Au fil des rassemblements, c’est tout un peuple qui puise l’énergie de transformer sa mélancolie en une force collective pour construire la Géorgie de demain. Un combat de longue haleine, porté par une jeunesse déterminée à ancrer son destin en Europe.