La France vient d’être épargnée. Vendredi soir, dans un contexte d’incertitude politique et budgétaire, les marchés retenaient leur souffle avant le verdict de l’agence de notation Standard & Poor’s. Mais contre toute attente, S&P a décidé de maintenir inchangée la note de la dette française, à « AA- » avec perspective stable. Une divine surprise pour le gouvernement, qui s’attendait au mieux à un abaissement de perspective.
Un sursis malgré l’instabilité politique
L’annonce de S&P a pris tout le monde de court. Il faut dire que le contexte n’incitait guère à l’optimisme : incertitude politique, dérapage du déficit, hausse des taux… Autant d’éléments qui présageaient une sanction des agences de notation.
Mais S&P a préféré accorder un répit à la France. L’agence semble vouloir faire crédit au nouveau gouvernement Barnier pour redresser la barre, malgré des vents contraires.
« Malgré l’incertitude politique, nous nous attendons à ce que la France se conforme – avec un délai – au cadre budgétaire européen »
Standard & Poor’s
Pour le ministre de l’Économie Antoine Armand, ce maintien de note « témoigne du crédit accordé au gouvernement pour réduire le déficit ». Mais S&P souligne aussi « le risque associé à l’incertitude politique qui viendrait remettre en cause cette trajectoire ». Un avertissement à peine voilé.
Barnier au pied du mur
Car le défi reste immense pour l’équipe Barnier, qui a fait du redressement budgétaire sa priorité absolue. Avec un objectif : réduire le déficit de 60 milliards d’euros. Mission quasi-impossible avec une majorité relative à l’Assemblée ?
Le gouvernement a dû revoir ses ambitions à la baisse, visant désormais un déficit « autour de 5% » au prix de nombreuses concessions. Pas sûr que cela suffise aux yeux des marchés. « Les investisseurs attendent de la clarté, de la confiance », a averti le gouverneur de la Banque de France.
La crédibilité française en jeu
Car en accordant un sursis, S&P place la France sous surveillance rapprochée. « Il faudrait trois feux verts pour éviter une dégradation dans les prochains mois », prévient l’économiste Norbert Gaillard :
- Que le gouvernement reste en place
- Qu’il présente un budget 2025 cohérent
- Qu’il obtienne une réduction significative du déficit
Un véritable parcours du combattant en perspective, alors que le bouillonnement politique ne faiblit pas à l’Assemblée. En cas d’échec, la sanction serait immédiate sur la note française, avec à la clé un renchérissement du coût de la dette.
Vers un nouveau paradigme budgétaire ?
Au-delà du cas français, cette séquence illustre la pression grandissante des marchés sur les États pour assainir leurs comptes publics. Après des années de largesses budgétaires, notamment pendant la crise Covid, l’heure semble au retour de la rigueur.
Un défi colossal dans un contexte de ralentissement économique et de hausse des taux d’intérêt. Nombreux sont les pays qui naviguent à vue, entre impératif de consolidation budgétaire et risque récessif. L’équation pourrait bien se compliquer à l’avenir, forçant les États à revoir en profondeur leurs logiciels budgétaires.
La France, avec sa dette élevée et sa situation politique instable, apparaît particulièrement exposée à ce nouveau paradigme. Le gouvernement Barnier en a parfaitement conscience. Reste à convaincre à la fois les marchés, les partenaires européens et les forces politiques nationales du bien-fondé de sa stratégie. Un numéro d’équilibriste périlleux, dont dépendra la crédibilité financière du pays pour les années à venir.