C’est un François Bayrou décidé et ambitieux qui s’est présenté hier soir sur le plateau de LCI pour une interview fleuve, scrutée par tout le pays. Le Premier ministre a déroulé sa feuille de route pour réformer la France en profondeur et redonner confiance et espoir aux Français. Un véritable marathon médiatique pour celui qui est aux manettes depuis maintenant 6 mois.
Un budget de combat pour redresser les comptes
Attaqué sur le budget 2025 actuellement en préparation, François Bayrou a défendu bec et ongles ses orientations, malgré un déficit record :
Nous devons faire des choix courageux. Certains seront impopulaires, mais ils sont nécessaires pour assainir nos finances publiques et retrouver des marges de manoeuvre.
Le Premier ministre a balayé l’idée de faire travailler les Français 7 heures de plus par semaine sans rémunération. Une proposition jugée inacceptable car « le travail doit être payé« , a-t-il martelé. En revanche, il a ouvert la porte à une possible taxation des retraités les plus aisés, au-delà de 2000€ de pension mensuelle.
Réforme des retraites : un sujet explosif
Inévitable, la question des retraites a été abordée. Sans dévoiler les contours exacts de la future réforme, François Bayrou a insisté sur la nécessité d’allonger la durée de cotisation. Une pilule difficile à avaler pour les syndicats, déjà échaudés par la précédente tentative avortée.
Il faudra travailler plus longtemps, c’est un fait. Nous devons sauver notre système par répartition, c’est une question de justice entre les générations.
Le chef du gouvernement a écarté l’option référendaire pour faire adopter cette réforme. Un passage en force qui promet déjà des tensions sociales pour les prochains mois.
Immigration : un référendum à l’étude
Autre dossier brûlant sur la table, celui de l’immigration. François Bayrou n’exclut pas de consulter les Français par référendum sur cette question qui divise profondément le pays. Une manière de contourner les blocages à l’Assemblée nationale, où son gouvernement ne dispose que d’une majorité relative.
Si le Parlement est dans l’incapacité d’avancer sur ce sujet, alors nous nous tournerons vers le peuple. Les Français doivent avoir leur mot à dire sur les flux migratoires.
Une éventualité qui ne manquera pas de hérisser la gauche, très rétive à l’idée d’un référendum sur l’immigration, perçu comme un cadeau fait à l’extrême droite.
Fin de vie : bientôt une loi ?
Sur la fin de vie, François Bayrou s’est montré prudent mais ouvert. Alors que l’opinion publique est majoritairement favorable à une évolution de la loi, le Premier ministre a indiqué qu’une réflexion était en cours au sein du gouvernement. Le témoignage poignant de Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot et qui réclame le droit de mourir dans la dignité, a visiblement fait réfléchir François Bayrou.
C’est un sujet éminemment sensible et personnel. Nous devons l’aborder avec humanité et écoute. Une loi sera peut-être nécessaire pour encadrer certaines situations.
Le Premier ministre n’a cependant pas donné de calendrier précis, renvoyant le sujet à de futures consultations citoyennes et parlementaires. Un dossier à suivre de près dans les prochains mois.
Une majorité à géométrie variable
Fragilisé par sa majorité relative à l’Assemblée, François Bayrou doit composer en permanence pour faire adopter ses textes. Interrogé sur une possible alliance avec le Rassemblement National, il a fermé la porte, non sans une certaine ambiguïté.
Nous ne ferons pas alliance avec les extrêmes, ni de droite ni de gauche. Mais sur certains textes, nous pouvons chercher des convergences ponctuelles avec toutes les bonnes volontés, d’où qu’elles viennent.
Un appel du pied en direction de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon ? Les deux leaders d’opposition, pourtant farouchement opposés à la politique gouvernementale, pourraient être tentés de négocier leur soutien en échange de concessions. Un jeu d’équilibriste périlleux pour François Bayrou, qui sait que le moindre faux-pas lui sera fatal.
Elon Musk, « une menace pour les démocraties »
Enfin, François Bayrou n’a pas mâché ses mots au sujet d’Elon Musk. Pour le Premier ministre, le milliardaire américain représente « une menace pour les démocraties » en raison de son influence grandissante via le réseau social Twitter.
La puissance d’Elon Musk est sans contrôle démocratique. Il peut influencer des élections, manipuler l’opinion… C’est un vrai danger pour nos sociétés.
Des propos inhabituellement offensifs de la part du chef du gouvernement français, généralement mesuré sur les sujets internationaux. Un signe que la question de la régulation des géants du numérique sera au coeur de son action dans les prochains mois.
Une interview fleuve donc, où François Bayrou a dévoilé les grandes lignes de son logiciel gouvernemental. Entre pièges politiques et défis économiques et sociaux, le Premier ministre aborde une séquence à haut risque, dont il sait qu’elle conditionnera la suite de son action et, peut-être, son avenir à Matignon.