Le paysage politique tchadien est secoué par une violente polémique à l’approche des élections législatives tant attendues. Au cœur du scandale : le rejet par la commission électorale de la candidature de Mahamat Zen Bada, secrétaire général du parti présidentiel et proche du pouvoir en place. Une décision qui fait des vagues et soulève de nombreuses questions sur la transparence du processus électoral.
Un Candidat Influent Écarté Pour Irrégularités
Selon des sources proches du dossier, l’Agence nationale de gestion des élections (Ange) a refusé d’entériner la candidature de Mahamat Zen Bada dans la région du Guéra, où il était tête de liste pour le Mouvement patriotique du salut, le parti du président Mahamat Idriss Déby Itno. En cause : de sérieuses irrégularités relevées dans son dossier.
Le président de l’Ange, Ahmed Bartchiret, a révélé lors d’une conférence de presse que le candidat avait produit un faux casier judiciaire, omettant de mentionner une lourde condamnation à 5 ans de prison ferme et 10 millions de francs CFA d’amende en 2012 pour faux, usage de faux et détournement de deniers publics. Une peine prononcée par la cour criminelle qui rend aujourd’hui sa candidature caduque.
Un Statut Contesté
Mais les reproches ne s’arrêtent pas là. La commission électorale pointe également du doigt le statut de Mahamat Zen Bada au sein de la police nationale. Celui-ci aurait en effet omis d’apporter la preuve de sa mise en disponibilité, une condition sine qua non pour se présenter aux élections selon le code électoral tchadien qui interdit aux membres actifs des forces de l’ordre de se porter candidats.
Pour les raisons sus évoquées, la candidature de M. Mahamat Zen Bada ne répond pas aux conditions d’éligibilité (…) Ceci entraîne donc le rejet de la liste.
Ahmed Bartchiret, président de l’Ange
Le parti présidentiel a désormais la possibilité de modifier sa liste pour la rendre conforme avant le scrutin prévu le 29 décembre prochain. Mais cet épisode laisse un goût amer et jette une ombre sur la crédibilité du processus électoral.
Un Proche Du Président Déby
Il faut dire que Mahamat Zen Bada n’est pas un candidat comme les autres. Fidèle parmi les fidèles, il a été le directeur de campagne de l’actuel président Mahamat Idriss Déby Itno, arrivé au pouvoir par un putsch militaire en avril 2021 après le décès de son père Idriss Déby Itno, qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis 1990.
Le jeune dirigeant a été ensuite confortablement élu dès le premier tour avec 61% des voix le 6 mai dernier au terme d’une transition politique contestée. Des ONG ont dénoncé un scrutin « non crédible » et critiqué la répression systématique de toute forme d’opposition.
Des Législatives Sans Cesse Reportées
Dans ce contexte tendu, les législatives qui doivent se tenir fin décembre sont scrutées de près. Initialement prévues en 2015, elles ont été sans cesse repoussées pour des motifs divers : menace jihadiste, difficultés financières, épidémie de Covid-19… L’Assemblée nationale, qui aurait dû être renouvelée depuis près d’une décennie, a vu son mandat prolongé par une loi constitutionnelle contestée.
En 2021, un Parlement de transition, le Conseil national de transition (CNT), composé de 93 membres nommés par décret présidentiel, avait été mis en place pour faire l’intérim. Mais son manque de légitimité et de représentativité a été vivement critiqué par la société civile et la communauté internationale.
Quelle Crédibilité Pour Le Scrutin ?
L’affaire Mahamat Zen Bada apparaît comme un sérieux camouflet pour le pouvoir en place à l’approche de cette échéance électorale cruciale. Elle met en lumière les zones d’ombre qui entourent la candidature d’un proche du président et soulève des interrogations légitimes sur d’éventuelles pressions ou manipulations.
Le rejet de cette candidature par la commission électorale est un signal fort, qui montre que l’instance tente de s’affirmer comme un contre-pouvoir indépendant. Mais il reste à voir si cette décision sera confirmée et si le parti présidentiel acceptera de se plier aux injonctions de l’Ange.
Au-delà de ce cas individuel, c’est toute la crédibilité du processus électoral qui est en jeu. Après des années de report et de transition politique chaotique, les Tchadiens attendent des élections libres, transparentes et incontestables pour tourner la page de décennies d’autoritarisme et construire un avenir démocratique. La mise à l’écart d’un baron du régime est un premier pas, mais le chemin est encore long pour restaurer la confiance des citoyens et de la communauté internationale dans les institutions du pays.
Ce feuilleton politico-judiciaire est donc loin d’être terminé. Il sera intéressant de suivre la réaction du parti présidentiel et de voir si d’autres recours seront déposés pour contester la décision de la commission électorale. Une chose est sûre : ces législatives s’annoncent d’ores et déjà explosives et seront scrutées de très près par les observateurs nationaux et internationaux. L’enjeu est de taille pour l’avenir démocratique du Tchad.