La Bolivie traverse une grave crise politique qui s’est aggravée ce samedi avec la prise en otage d’au moins 200 militaires par des partisans de l’ancien président Evo Morales. Cet événement dramatique intervient après 20 jours de manifestations antigouvernementales qui secouent le pays. Retour sur les faits et les enjeux de ce bras de fer qui oppose le nouveau pouvoir en place aux nostalgiques de l’ère Morales.
Trois casernes assiégées, des armes saisies
D’après les informations communiquées par le ministère des Affaires étrangères bolivien, trois unités militaires situées dans la zone de Chapare, département de Cochabamba, ont été attaquées vendredi par des « groupes irréguliers ». Ces assaillants, décrits comme des partisans d’Evo Morales, auraient pris en otage plus de deux cents militaires lors de ces actions coup de poing. Ils se seraient également emparés d' »armes de guerre et de munitions » au cours de ces attaques.
Une vidéo relayée par les médias locaux, et dont l’authenticité a été confirmée par une source au ministère de la Défense, montre une quinzaine de soldats entourés par des paysans armés de bâtons. « Le régiment du Cacique Maraza a été pris par des groupes du Tipnis, ils nous ont coupé l’eau et l’électricité, ils nous ont pris en otage », témoigne un militaire dans cet enregistrement. Les Tipnis désignent les territoires indigènes du Chapare, fief politique historique d’Evo Morales, ancien cultivateur de coca et premier président amérindien de Bolivie de 2006 à 2019.
L’armée déployée pour débloquer les routes
Face à l’escalade des tensions, le gouvernement bolivien a dépêché l’armée dans la région de Cochabamba afin d’assister la police dans le dégagement des routes bloquées par les manifestants pro-Morales depuis près de trois semaines. Ces barrages routiers, qui paralysent une partie du pays, ont été érigés le 14 octobre dernier pour protester contre la « persécution judiciaire » dont serait victime Evo Morales.
L’ancien chef d’État, qui ambitionne de revenir au pouvoir malgré une décision de justice le disqualifiant, fait actuellement l’objet d’une enquête pour viol sur une adolescente de 15 ans lorsqu’il était président. Des accusations qu’il rejette en bloc. Ses partisans exigent désormais aussi la démission de l’actuel président Luis Arce, un ancien allié de Morales, qu’ils jugent responsable des pénuries de carburant qui affectent la Bolivie.
Morales entame une grève de la faim
De son côté, Evo Morales a annoncé vendredi qu’il commençait une grève de la faim. Il entend ainsi faire pression sur le gouvernement pour qu’il ouvre des « comités de discussion » sur la situation politique et économique du pays. Une énième manœuvre de l’ancien président qui voit en Luis Arce, pourtant issu comme lui du Mouvement vers le socialisme (MAS), un rival dans la perspective de la présidentielle de 2025.
Près de trois ans après le départ forcé d’Evo Morales sur fond d’accusations de fraude électorale, la Bolivie peine donc toujours à tourner la page des années Morales. Les tensions entre partisans et adversaires de l’ancien leader indigène, qui a profondément transformé le pays lors de ses presque 14 ans au pouvoir, demeurent vives. La prise d’otages de ce week-end en est la tragique illustration.
Quelle issue à la crise ?
Le président Luis Arce, élu en 2020 pour redonner un nouvel élan au pays après l’intermède agité du gouvernement intérimaire de Jeanine Áñez, se retrouve aujourd’hui pris en tenaille entre les exigences des pro-Morales et la nécessité de ramener le calme. S’il a jusqu’à présent adopté une ligne plutôt conciliante vis-à-vis de son ancien mentor, il sait aussi qu’il joue sa crédibilité et son avenir politique dans sa gestion de cette crise.
Les prochains jours seront donc cruciaux pour savoir si un compromis est encore possible ou si la Bolivie s’enfonce dans une impasse politique aux conséquences imprévisibles. La libération rapide et sans heurt des militaires pris en otages apparaît comme un préalable indispensable à toute désescalade. Mais au-delà, c’est un vrai dialogue national incluant toutes les forces vives du pays qui semble nécessaire pour espérer ressouder une société bolivienne plus polarisée que jamais.