Alors que la Syrie traverse une période charnière suite à la chute du régime de Bachar al-Assad, les États-Unis réaffirment leur volonté d’empêcher une résurgence du groupe État islamique (EI) dans le pays. Lors d’une allocution au département d’État ce lundi, le secrétaire d’État Antony Blinken a souligné la détermination de Washington à ne pas laisser l’EI « rétablir ses capacités et créer des sanctuaires » sur le territoire syrien.
Cette déclaration intervient au lendemain d’une série de frappes aériennes américaines dans le centre de la Syrie, qui auraient visé « plus de 75 cibles » de l’organisation terroriste. Une démonstration de force qui témoigne de l’engagement persistant des États-Unis dans la lutte contre l’EI, malgré le retrait annoncé des troupes américaines par l’ex-président Donald Trump.
Des « intérêts clairs » pour Washington
Au-delà de la menace djihadiste, Antony Blinken a tenu à rappeler les enjeux cruciaux pour son pays en Syrie. Évoquant des « intérêts clairs », il a insisté sur la nécessité « d’éviter la fragmentation de la Syrie, les migrations massives » ainsi que « l’exportation du terrorisme et de l’extrémisme ». Des propos qui contrastent avec ceux tenus par Donald Trump, lequel estimait que les États-Unis ne devaient pas « se mêler » du conflit syrien.
Le chef de la diplomatie américaine a également exprimé la volonté de Washington de s’assurer que « les armes de destruction massive ou leurs composants qui restent en Syrie ne tombent pas entre de mauvaises mains ». Une allusion aux stocks d’armes chimiques du régime Assad, dont l’existence avait déjà motivé des frappes occidentales par le passé.
La Russie et l’Iran, acteurs incontournables
Les récents bouleversements en Syrie ont été en partie imputés à la Russie, principal soutien de Bachar al-Assad, qui serait accaparée par l’invasion de l’Ukraine. Moscou dispose de bases navale et aérienne stratégiques dans le pays. Interrogé sur une éventuelle demande américaine de les évacuer, le porte-parole du département d’État Matthew Miller a botté en touche, estimant qu’il s’agissait « en fin de compte d’une décision à prendre par le peuple syrien ».
Je ne pense pas que l’on puisse considérer l’influence que la Russie a exercée par le biais de ces bases à l’intérieur de la Syrie et déterminer qu’elle a été autre chose que désastreuse pour le peuple syrien au cours des 10 ou 12 dernières années.
Matthew Miller, porte-parole du département d’État
De son côté, Israël a profité du chaos pour pénétrer dans la zone tampon du Golan à la frontière syrienne, en violation de l’accord de désengagement de 1974 d’après l’ONU. Une incursion qu’un responsable américain a qualifié de « temporaire », tout en refusant de fixer un calendrier pour un retrait.
L’implication de l’Iran, via son soutien au Hezbollah libanais et à d’autres milices alliées du régime, ajoute une strate de complexité supplémentaire dans ce pays ravagé par une décennie de guerre. Autant d’éléments qui laissent présager un avenir incertain pour la Syrie, tiraillée entre les intérêts divergents des puissances régionales et internationales.
Quel avenir pour la Syrie de l’après-Assad ?
La chute soudaine de Bachar al-Assad, après plus de 20 ans de règne sans partage, ouvre une période de grande incertitude pour la Syrie. Bien que portés par l’euphorie de la victoire, les groupes rebelles qui ont renversé le dictateur devront rapidement s’atteler à la lourde tâche de reconstruire un pays exsangue.
Sur le plan politique, l’enjeu majeur sera de parvenir à une transition pacifique et inclusive, en associant toutes les composantes de la société syrienne. Un défi de taille au vu des profondes divisions et des rancoeurs accumulées durant le conflit. La communauté internationale, États-Unis en tête, aura un rôle crucial à jouer pour accompagner ce processus et éviter une nouvelle conflagration.
Économiquement, la reconstruction de la Syrie s’annonce titanesque. Après une décennie de combats ayant causé des destructions massives, le pays est à genoux. Il faudra mobiliser des moyens colossaux pour relancer l’activité et offrir un avenir à une population meurtrie. Là encore, le soutien de la communauté internationale sera indispensable.
Sur le plan sécuritaire enfin, la vigilance restera de mise face aux cellules dormantes de l’EI et aux ambitions des puissances étrangères. Les récentes frappes américaines illustrent la nécessité de poursuivre sans relâche la lutte contre le terrorisme. De même, il faudra trouver un équilibre subtil entre les intérêts parfois contradictoires des différents acteurs impliqués, de la Russie à l’Iran en passant par Israël.
Malgré ces immenses défis, la Syrie peut espérer tourner progressivement la page d’un conflit dévastateur. À condition que les Syriens parviennent à s’unir autour d’un projet commun, et que la communauté internationale joue pleinement son rôle pour les épauler dans cette entreprise de longue haleine. Les prochains mois seront décisifs pour dessiner les contours de cette nouvelle Syrie.