Dans un contexte économique morose marqué par des fermetures d’usines à répétition, l’industriel danois Rockwool fait figure d’exception. Le spécialiste de la laine de verre a réaffirmé avec force son engagement en France en déposant un nouveau permis de construire pour son projet d’usine à Courmelles, dans l’Aisne. Un geste fort et un « symbole pour l’industrie française et la transition écologique » selon le groupe.
130 emplois directs en jeu
Car au-delà de la prouesse industrielle, c’est bien l’emploi qui est au cœur des enjeux. Le projet d’usine Rockwool promet la création de 130 emplois directs et plus de 400 emplois indirects, une véritable bouffée d’oxygène pour ce territoire de l’Aisne durement touché par la désindustrialisation et le chômage. Le groupe danois l’a bien compris et n’hésite pas à mettre en avant cet argument massue pour faire accepter son projet.
Une vive opposition locale
Mais depuis le dépôt du premier permis de construire en 2021, le projet divise. Les opposants, avec à leur tête le maire de Courmelles Arnaud Svrcek, pointent du doigt les risques environnementaux liés à ce type d’industrie. Rejets de poussières, émissions de substances dangereuses comme les phénols ou le formaldéhyde, impact sur la santé des riverains… Les arguments ne manquent pas pour tenter de faire barrage au projet.
En mars 2021, le maire prend même un arrêté pour refuser le permis de construire déposé par Rockwool. Un acte fort mais retoqué ensuite par le tribunal administratif d’Amiens qui a reproché au maire son manque d’impartialité. Pas découragés, les anti-Rockwool ont obtenu une nouvelle victoire en juillet 2023 devant la cour administrative d’appel de Douai qui a cette fois validé le refus du permis, relevant notamment le non-respect des règles d’urbanisme.
Rockwool joue la carte de l’apaisement
Face à cette contestation qui s’enracine, Rockwool a décidé de jouer la carte de l’apaisement et du dialogue. Avec ce nouveau permis de construire, le groupe promet davantage de garanties environnementales et une meilleure intégration paysagère du site. Parmi les nouveautés : un toit végétalisé pour mieux fondre l’usine dans son environnement rural et une clarification de la compatibilité du projet avec le plan local d’urbanisme (PLU).
Des gages de bonne volonté qui ne suffiront peut-être pas à infléchir des opposants déjà échaudés par la détermination de Rockwool à s’implanter coûte que coûte dans l’Aisne. D’autant que le groupe peut compter sur des soutiens de poids comme le maire de Soissons ou encore la région Hauts-de-France, qui voient dans ce projet une opportunité unique de réindustrialisation et de création d’emplois. Le bras de fer promet d’être long entre pro et anti-Rockwool.
Un test pour l’attractivité industrielle française
Au-delà de l’Aisne, l’affaire Rockwool a valeur de test pour l’attractivité industrielle de la France. Depuis plusieurs années, de nombreux projets industriels et infrastructures se heurtent à une contestation locale de plus en plus déterminée. De quoi refroidir les ardeurs des investisseurs étrangers, déjà échaudés par l’instabilité fiscale et réglementaire française.
En parallèle, le gouvernement ne cesse de répéter vouloir favoriser la réindustrialisation du pays, avec un objectif de 100 nouveaux projets d’ici 2030. Des usines propres et vertueuses sur le plan environnemental, voilà la promesse. Mais dans les faits, le moindre projet un peu conséquent déclenche une levée de boucliers, souvent nourrie par un réflexe « Not In My Backyard ».
Entre volontarisme industriel et acceptabilité sociale, l’équation s’annonce compliquée à résoudre. Et le feuilleton Rockwool risque de ne pas arranger les choses. Si un géant comme le danois finit par jeter l’éponge, faute de pouvoir concrétiser ses investissements en France, le signal envoyé aux industriels du monde entier serait désastreux. A l’inverse, un feu vert définitif donnerait un précieux signal de confiance et de détermination. Tout l’enjeu des prochains mois.
D’ici là, c’est la mairie de Courmelles qui va devoir se prononcer sur le nouveau permis de construire déposé. Vu le contexte, pas sûr que la décision soit si simple à prendre pour les élus locaux, pris en tenaille entre la promesse de centaines d’emplois et une opinion locale vent debout contre le projet. Les mois à venir s’annoncent agités dans l’Aisne autour de ce dossier industriel brûlant qui cristallise tous les enjeux de la réindustrialisation française.