Alors que le président turc Recep Tayyip Erdogan affichait récemment sa volonté de tendre la main aux “frères kurdes”, une décision choc vient de frapper la communauté kurde du pays : trois maires issus du principal parti prokurde, le Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie (DEM, ex-HDP), ont été démis de leurs fonctions lundi et accusés de “terrorisme”. Un geste fort qui ravive les tensions et suscite l’indignation au sein de l’opposition.
Des figures kurdes emblématiques visées
Parmi les élus destitués figurent des personnalités incontournables du mouvement kurde en Turquie :
- Ahmet Türk, 82 ans, maire de la ville de Mardin, vétéran de la cause kurde. Il avait déjà été emprisonné et démis de ses fonctions lors de précédents mandats, accusé de liens avec le PKK.
- Les maires de Batman et Helfeti, deux localités stratégiques du sud-est à majorité kurde.
Des gouverneurs nommés par l’État central ont immédiatement remplacé les maires évincés. Une purge qui intervient au moment même où Ankara semble vouloir envoyer des signaux d’ouverture envers les Kurdes, laissant entrevoir la possibilité d’une libération anticipée d’Abdullah Öcalan, chef historique du PKK emprisonné depuis 1999.
Le DEM crie au “coup d’État”
Le parti prokurde DEM, troisième force politique au Parlement, a vivement réagi à ces destitutions, les qualifiant de véritable “coup d’État” :
C’est une attaque majeure contre le droit du peuple kurde à voter et à être élu. Nous ne permettrons pas l’usurpation de la volonté du peuple !
– Communiqué du DEM
Ahmet Türk lui-même, malgré ses 82 ans, a exprimé sa détermination à poursuivre le combat pour la “démocratie, la paix et la liberté” face à ce qu’il considère comme une injustice flagrante. Une posture courageuse saluée par ses partisans.
Une pratique répandue mais controversée
Le remplacement de maires élus par des administrateurs nommés par le pouvoir central est une pratique récurrente en Turquie, particulièrement dans les zones kurdes. Depuis 2016, des dizaines d’élus locaux ont ainsi été démis de leurs fonctions, accusés de liens avec le PKK.
Ces mesures sont vivement critiquées par l’opposition qui y voit une atteinte à la démocratie locale et une tentative de museler la représentation kurde. Le timing de ces dernières destitutions, en pleine période de main tendue apparente envers les Kurdes, soulève de nombreuses interrogations.
Main tendue ou coup de bluff ?
Les déclarations récentes du président Erdogan et de son allié Devlet Bahçeli sur une éventuelle libération du leader kurde Abdullah Öcalan avaient suscité un certain espoir. Mais ces destitutions viennent jeter le trouble sur la sincérité de cette ouverture.
Certains y voient une manœuvre politique visant à diviser le mouvement kurde en jouant la carte Öcalan tout en affaiblissant le DEM, principal rival de l’AKP, le parti au pouvoir, dans le sud-est. D’autres s’interrogent sur un possible lien avec le récent attentat revendiqué par le PKK.
Un dossier brûlant à suivre
Entre signaux contradictoires du pouvoir, colère de l’opposition et tensions qui restent vives, la question kurde s’impose à nouveau comme un dossier ultra-sensible en Turquie. Ces destitutions choc risquent de rendre encore plus complexe toute tentative de dialogue ou d’apaisement.
L’évolution de la situation dans les prochaines semaines sera scrutée de près, alors que le pays se prépare à des échéances électorales cruciales. La gestion de ce dossier pourrait bien peser lourd dans les urnes et la vie politique turque. Affaire à suivre…