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Orphelins du Génocide Rwandais : 30 Ans de Reconstruction

30 ans après le génocide rwandais, les orphelins rescapés livrent leurs témoignages poignants. Entre silences, cauchemars et quête identitaire, découvrez leur incroyable combat pour se reconstruire et honorer la mémoire des disparus...

30 ans se sont écoulés depuis le génocide des Tutsi au Rwanda, qui a fauché près d’un million de vies entre avril et juillet 1994. Parmi les rescapés, des milliers d’enfants se sont retrouvés orphelins, le cœur brisé et l’innocence volée. Aujourd’hui adultes, ils livrent des témoignages vibrants sur leur combat acharné pour se reconstruire et vivre malgré l’indicible.

Jeanne, Manzi, Sandrine : des destins bouleversés

Jeanne Allaire Kayigirwa n’avait que 16 ans lorsque les génocidaires ont voulu son “effacement” parce qu’elle était Tutsi. Rescapée de l’abîme, elle s’est demandé : “Est-ce que je leur cède ma seconde vie ou est-ce que je la prends ?” Comme elle, Manzi Rugirangoga et Sandrine Lorusso ont vu leur vie basculer à jamais.

Manzi, à peine âgé d’un an, a perdu sa mère et sa tante le 29 avril 1994. “A partir de ce jour, on était orphelins”, confie-t-il. Lui et sa fratrie doivent leur survie à l’opération des convois humanitaires de l’ONG Terre des Hommes. Son père, unique survivant du côté paternel, les emmènera ensuite vivre en France.

Sandrine, elle, avait 9 ans lorsqu’elle a vu sa mère se faire assassiner sous ses yeux. Adoptée par sa sœur aînée en France, elle mettra des années à briser le silence sur son vécu.

L’enfance sous le signe du silence et des cauchemars

Au sein de leurs familles d’accueil ou adoptives en France, un pesant silence règne souvent sur les événements. Les questions des enfants restent en suspens, les souvenirs enfouis. Les cauchemars, l’anxiété, la dépression font surface, comme pour Sandrine : “J’ai fait des crises d’angoisse inexpliquées; on veut occulter, mais tôt ou tard, ça finit par ressortir…”

Gaspard Jassef, lui, porte encore les traces de sa survie aux limites de l’indicible : caché seul 5 mois dans une forêt à 6 ans, il a des troubles du sommeil persistants. Mais il exprime sa reconnaissance envers “deux mères très aimantes”, sa mère biologique et l’infirmière française qui l’a sauvé et adopté.

“Là-bas” : un appel des racines pour se reconstruire

Malgré une intégration souvent réussie en France, le besoin de retourner au Rwanda s’impose pour beaucoup. A 15 ans, Manzi ressent cet appel “instinctif” et part seul à Kigali. “C’était pas évident, mais stimulant !”. Après des études en France, il s’y réinstalle en 2019.

Pour Quentin Berger, ces retours sont à “double tranchant”, entre moments “incroyables” et déception de ne pas retrouver son village d’enfance intact dans sa mémoire. “Mon quotidien est un combat. Parfois, j’ai l’impression que je suis très vieux…”, avoue Gaspard, tiraillé entre France et Rwanda.

Devoir de mémoire et transmission pour ne pas oublier

30 ans après, les rescapés s’engagent intensément dans le travail de mémoire. Jeanne a longtemps œuvré au sein de l’association Ibuka : “J’ai eu l’impression que grâce au témoignage dans les écoles, je ne taisais pas les morts qu’on a fait taire”.

Sandrine a rejoint l’association de la diaspora rwandaise de Toulouse en 2024, une étape importante dans son parcours. Car pour beaucoup, “se reconstruire totalement c’est un idéal un peu inatteignable”, comme le souligne Manzi. Mais chaque geste, chaque parole compte pour honorer la mémoire des disparus.

Entre France et Rwanda, une identité en quête d’apaisement

Les relations complexes entre la France et le Rwanda après le génocide ont parfois pesé sur le sentiment d’appartenance de cette génération. Beata Umubyeyi Mairesse, Franco-Rwandaise rescapée à 15 ans, voit dans le rapprochement entre les deux pays “la fin d’un dédoublement identitaire complexe”.

Un apaisement que Jeanne est venue chercher en se réinstallant au Rwanda à l’été 2023, “un projet de famille” pour transmettre racines, langue et mémoire à son fils. Une “reconnexion” essentielle, comme l’évoque Beata, pour renouer avec cette “certaine lumière”, ces “paysages” et “sensations premières” du Rwanda.

De Kigali à Paris, chacun à sa manière, les orphelins du génocide traced’la voie, pour eux et les générations futures. Avec résilience et détermination, ils construisent une vie par-delà l’inimaginable, sans jamais oublier ceux qui ont péri. Une leçon d’espoir et d’humanité qui force le respect.

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