Luis Miguel Bueno, le porte-parole de l’Union européenne en langue arabe, a quitté ses fonctions de manière soudaine le 31 juillet dernier. Ce départ fait suite à une polémique grandissante concernant son rôle ambigu et sa communication jugée pro-islam sur les réseaux sociaux. Le diplomate espagnol, en poste depuis plusieurs années, était accusé par certains de promouvoir l’islam au cœur des institutions européennes plutôt que de simplement représenter l’UE.
Une communication qui soulève des interrogations
Initialement cantonné à son strict rôle de représentant de l’UE, Luis Miguel Bueno a peu à peu ajouté dans ses messages une dimension de promotion d’une civilisation islamique “européenne”, entremêlée de déclarations d’amour personnelles à l’islam. Une démarche qui a suscité la confusion quant à sa véritable mission.
Parmi les publications les plus remarquées, un message de février 2022 où il souhaitait un “bon vendredi” sur les réseaux, photo de la grande mosquée al-Omari de Beyrouth à l’appui. Ce post avait déclenché un torrent de réactions positives du monde musulman et d’appels à sa conversion. Plus récemment, en avril 2023, il avait publié un reportage intitulé “Comment le Saint Coran a atteint l’Europe” à l’occasion du Ramadan.
Un engagement personnel ou une stratégie de communication ?
Le porte-parole laissait planer le doute sur une éventuelle conversion à l’islam, en partageant par exemple une vidéo en janvier dernier le montrant entrer dans la grande mosquée d’Alger pour accomplir “l’une des visites les plus spirituelles de [sa] vie”. De quoi alimenter les spéculations sur un véritable engagement personnel ou une simple stratégie de communication pour se rapprocher du monde arabo-musulman.
Mon but pour 2024 : continuer de mettre en valeur dans l’UE l’importance du monde et de la langue arabes et de notre patrimoine commun.
– Luis Miguel Bueno, depuis la mosquée-cathédrale de Cordoue, revendiquée par les islamistes
Des députés européens conservateurs interpellent la Commission
Face à cette communication ambiguë, des députés européens du groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR), dont le Français Nicolas Bay et l’Espagnol Jorge Buxadé, ont saisi la Commission européenne en janvier. Ils l’ont interrogée pour savoir si elle approuvait les messages de son porte-parole et, si tel n’était pas le cas, si elle envisageait de le démettre de ses fonctions.
La réponse est venue six mois plus tard, le 24 juillet, par la voix du vice-président de la Commission Josep Borrell. Ce dernier a défendu son subordonné, jugeant sa communication conforme au rôle qui lui était assigné. Pourtant, une semaine après ces explications, Luis Miguel Bueno annonçait son départ sur les réseaux sociaux, évoquant son “temps de quitter son poste”. Certaines de ses publications les plus polémiques ont même été supprimées du compte officiel.
Un retrait des projecteurs mais pas de la diplomatie européenne
S’il quitte ses fonctions très exposées de porte-parole, Luis Miguel Bueno reste néanmoins dans la diplomatie européenne. Il occupera désormais le poste de chef de la section politique, presse et information de la délégation de l’UE au Yémen. Un rôle en retrait des projecteurs, précédemment occupé par Marion Lalisse, coordinatrice de la Commission à la lutte contre la haine anti-musulmane.
Cette affaire met en lumière les lignes de fracture qui traversent les institutions européennes sur la question de l’islam et de la place à lui accorder. Entre promotion du dialogue interculturel et accusations d’entrisme islamiste, la position de l’UE semble oscillante et source de tensions internes, comme l’illustre le parcours controversé de Luis Miguel Bueno.