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Le Vote RN : Un Phénomène Plus Complexe que le Niveau d’Étude

Les récentes élections législatives ont vu le RN progresser dans l'électorat. Des statistiques semblent relier ce vote au niveau d'étude, mais la réalité est plus complexe. Décryptage d'un phénomène...

Les récentes élections législatives ont été marquées par une forte progression du Rassemblement national, arrivé largement en tête au premier tour. Dans la foulée, des statistiques reliant le vote RN au niveau de diplôme ont abondamment circulé sur les réseaux sociaux. Selon ces chiffres d’Ipsos, 49% des électeurs sans le bac auraient voté RN, contre seulement 22% des bac+3 et plus. Faut-il en conclure que moins on est diplômé, plus on vote RN ? La réalité est plus nuancée.

Une corrélation statistique indéniable mais à interpréter avec prudence

Il est vrai que les données brutes montrent un lien fort entre niveau d’étude et propension à voter pour le Rassemblement national. Près d’un électeur sur deux ayant au maximum le brevet des collèges a choisi le RN, alors que ce n’est le cas que d’un électeur sur cinq parmi les plus diplômés. L’écart est significatif.

Pour autant, il serait réducteur d’en tirer des conclusions hâtives sur un pur effet du diplôme. D’autres facteurs entrent en jeu, à commencer par la géographie. Le vote RN est depuis longtemps puissant dans certains territoires ruraux ou périurbains, où le niveau d’étude moyen est plus faible qu’ailleurs. À l’inverse, il reste moins implanté dans les grandes métropoles, qui concentrent les populations les plus diplômées.

Le vote RN traduit d’abord un mal-être social et territorial. Le diplôme n’en est qu’un révélateur parmi d’autres.

– Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop

Un vote d’adhésion plus que de protestation

Longtemps qualifié de vote protestataire, le choix du RN s’est progressivement mué en vote d’adhésion. Marine Le Pen a lissé l’image du parti, le recentrant sur les questions de pouvoir d’achat. Une stratégie payante dans les catégories populaires, premières touchées par les difficultés économiques.

Mais là encore, le diplôme n’explique pas tout. Ouvriers et employés ne votent pas RN de façon uniforme. Leur comportement électoral varie selon qu’ils habitent en zone rurale, périurbaine ou urbaine, dans le Nord désindustrialisé ou sur la Côte d’Azur. La sociologie électorale met en évidence des motivations de vote diverses au sein même des classes populaires.

Des fractures territoriales et générationnelles plus déterminantes

Plus que le niveau de diplôme, ce sont les fractures territoriales qui éclairent la progression du vote RN. L’analyste Christophe Guilluy théorise une France périphérique, délaissée par les métropoles mondialisées, qui se tournerait vers le RN. Une grille de lecture pertinente, même si elle ne doit pas être généralisée à l’excès.

L’âge est un autre facteur clé. Chez les moins de 35 ans, Marine Le Pen fait jeu égal avec Emmanuel Macron, quel que soit le niveau d’étude. Un alignement générationnel qui transcende les diplômes. À l’opposé, chez les plus de 70 ans, le vote Macron domine largement, y compris chez les moins diplômés. Signe que l’effet générationnel pèse lourd.

Éviter les jugements à l’emporte-pièce

Afficher une corrélation entre niveau d’étude et vote RN ne doit pas conduire à des jugements hâtifs ou condescendants. Une telle approche occulte la complexité du phénomène. Elle fait fi des inégalités territoriales, des transformations du monde du travail, des parcours de vie différenciés.

Il faut se garder d’une lecture simpliste et moralisatrice du vote. Derrière les statistiques se cachent de vraies souffrances sociales qu’il serait dangereux d’ignorer.

– Céline Braconnier, politologue et directrice de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye

Plutôt que de stigmatiser une partie de l’électorat, il importe de comprendre les ressorts profonds d’un vote qui traduit un malaise démocratique. Le niveau de diplôme n’en est qu’un symptôme parmi d’autres, qu’il convient de resituer dans un contexte social, économique et territorial plus large. C’est à ce prix que le débat politique évitera les caricatures et les pièges du populisme.

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