La Corée du Sud traverse une période de profonde instabilité politique depuis la destitution controversée de son président Yoon Suk Yeol début décembre. Selon une source proche du dossier, l’ancien chef d’État ne se présentera pas à la première audience de son procès en destitution qui s’ouvre ce mardi à la Cour constitutionnelle de Séoul. Ses avocats invoquent des problèmes de sécurité pour justifier son absence.
Un président déchu qui se terre
Yoon Suk Yeol, 64 ans, a été démis de ses fonctions par le Parlement le mois dernier après avoir tenté d’imposer la loi martiale dans le pays, un coup de force qui a rapidement été contrecarré par les députés. Depuis, l’ancien procureur vedette se terre dans sa résidence officielle de Séoul, protégé par sa garde rapprochée, et échappe pour l’instant aux enquêteurs qui cherchent à l’interroger.
En effet, en plus de son procès en destitution, Yoon est visé par plusieurs enquêtes, dont une pour « rébellion », un crime passible de la peine de mort en Corée du Sud. Un mandat d’arrêt a été émis à son encontre mais n’a pour l’instant pas pu être exécuté, le Service de sécurité présidentiel faisant barrage.
Cinq audiences prévues
La Cour constitutionnelle, qui a été saisie du cas de l’ex-président le 14 décembre, a prévu cinq audiences jusqu’au 4 février pour examiner sa destitution. Elle a jusqu’à la mi-juin pour confirmer ou infirmer la décision du Parlement. Le procès se déroulera comme prévu même en l’absence de M. Yoon, ont indiqué des sources judiciaires.
Des inquiétudes concernant la sécurité et de potentiels incidents ont émergé. Le président ne sera pas en mesure d’assister au procès le 14 janvier.
Me Yoon Kab-keun, avocat de Yoon Suk Yeol
Un pays au bord du chaos
Pendant ce temps, la Corée du Sud s’enfonce chaque jour un peu plus dans la crise. Des manifestations rivales ont lieu quotidiennement à Séoul, notamment devant la résidence de Yoon Suk Yeol dans le centre-ville, malgré le froid glacial. Les partisans de l’ancien président réclament l’annulation de sa destitution, tandis que ses détracteurs exigent son arrestation immédiate.
Le pays a déjà eu deux présidents par intérim depuis la mise à l’écart de M. Yoon. Le premier, Han Duck-soo, a lui aussi été destitué par les députés qui l’accusaient d’entraver les procédures contre son prédécesseur. C’est actuellement le ministre des Finances Choi Sang-mok qui occupe le poste par intérim.
Éviter l’« effusion de sang »
Le 3 janvier, une première tentative d’arrestation de Yoon Suk Yeol par les enquêteurs du Bureau d’enquête sur la corruption (CIO) s’est soldée par un échec, ces derniers ayant été tenus en respect par les gardes présidentiels. Le CIO compte bien retenter sa chance, avec cette fois l’appui de la police qui a indiqué qu’elle appréhendera tout garde faisant obstruction.
Face à ces tensions, le chef du Service de sécurité présidentiel Park Chong-jun a démissionné vendredi. Il a appelé à éviter à tout prix une « effusion de sang » lors de la prochaine tentative d’interpellation de l’ancien président. Son successeur par intérim n’a pas répondu à une convocation de la police ce weekend, s’exposant lui-même à une possible arrestation selon les médias locaux.
Le parti de Yoon progresse malgré tout
Paradoxalement, en dépit de cette crise sans précédent, le Parti du pouvoir au peuple (PPP) dont est issu Yoon Suk Yeol progresse dans les sondages. Selon une enquête Gallup publiée vendredi, il recueille désormais 34% d’opinions favorables, contre 24% trois semaines plus tôt. Dans le même temps, la popularité de l’opposition, qui contrôle le Parlement, a chuté de 48% à 36%.
La destitution de Yoon Suk Yeol semble donc loin de faire l’unanimité dans l’opinion, et son procès qui s’ouvre s’annonce d’ores et déjà explosif. Il pourrait déterminer l’avenir politique du pays pour les mois à venir. D’ici là, la Corée du Sud retient son souffle, suspendue aux rebondissements de cette crise sans précédent.