Yoon Suk Yeol, 64 ans, restera dans l’histoire comme le premier président sud-coréen en exercice à être arrêté. Cet ancien procureur superstar, élu en 2022 sur la promesse de lutter contre la corruption, a vécu une descente aux enfers fulgurante depuis sa tentative avortée d’imposer la loi martiale début décembre.
Un assaut spectaculaire pour arrêter le président
Retranché depuis des semaines dans sa résidence officielle de Séoul, le chef de l’Etat a fini par se rendre à l’issue d’un nouvel assaut des procureurs du Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO), escortés par la police. «J’ai décidé de répondre au Bureau d’enquête sur la corruption», a-t-il annoncé, ajoutant ne pas reconnaître la légalité de l’enquête mais s’y soumettre «pour éviter toute effusion de sang malheureuse».
M. Yoon est accusé d’avoir fait vaciller la démocratie sud-coréenne en décrétant la loi martiale le 3 décembre et en envoyant l’armée au Parlement pour le museler. Il avait ignoré plusieurs convocations dans le cadre d’enquêtes pour «rébellion», un crime passible de la peine de mort, et ne s’était pas présenté à la première audience de son procès en destitution.
Une tentative de loi martiale avortée
Le dirigeant très conservateur avait justifié sa décision choc de début décembre par son désir de protéger le pays des «forces communistes nord-coréennes» et d’«éliminer les éléments hostiles à l’Etat». Cette nuit-là, il avait autorisé l’armée à ouvrir le feu, selon des révélations du parquet. Cela ne s’est pas produit et dans un hémicycle cerné par les forces spéciales, les élus avaient réussi à voter un texte réclamant l’abolition de cet état d’exception.
De procureur star à président déchu
Avant son entrée tardive en politique en 2021, Yoon Suk Yeol avait effectué toute sa carrière au parquet. Nommé procureur en chef de Séoul en 2017 puis procureur général du pays en 2019, il s’était forgé une réputation de pourfendeur féroce de la corruption, jouant un rôle-clé dans les enquêtes ayant mené à la destitution et à l’emprisonnement de deux ex-présidents.
Surfant sur cette popularité, il avait démissionné en 2021 pour se lancer dans la course à la présidentielle. Elu d’une courte tête en 2022 sous l’étiquette du Parti du pouvoir au peuple (droite), il avait promis de supprimer le ministère de l’Egalité des sexes, un engagement qu’il n’a jamais pu honorer faute de majorité parlementaire.
Une présidence ternie par les scandales
Une fois au pouvoir, cet admirateur déclaré de Winston Churchill a mené une politique de fermeté à l’égard de la Corée du Nord et renforcé l’alliance avec les Etats-Unis. Mais sa réputation a vite été ternie par une série de scandales, à commencer par la bousculade meurtrière d’Halloween à Séoul en 2022, imputée à une cascade de négligences des autorités.
D’autres affaires éclaboussant son épouse Kim Keon-hee ont détérioré son image et son soutien populaire s’est effondré, se traduisant par une cuisante défaite de son camp aux législatives d’avril 2024. Une humiliation de plus pour ce président déjà suspendu, qui est désormais le premier chef d’Etat sud-coréen en exercice à être arrêté.
Jamais un chef d’Etat en exercice n’avait été arrêté en Corée du Sud.
Si la destitution de M. Yoon, votée le 14 décembre par les députés, est confirmée par la Cour constitutionnelle, il deviendra le troisième président sud-coréen destitué après Roh Moo-hyun en 2004 et Park Geun-hye en 2017. Une chute vertigineuse pour celui qui promettait il y a moins de deux ans de restaurer la confiance dans la présidence. Loin de montrer des regrets, Yoon Suk Yeol promet à ses partisans de se battre «jusqu’à la toute fin».