Le mystère des changements climatiques prolongés dans l’histoire de notre planète vient peut-être de trouver une explication. Selon une étude publiée mercredi dans Nature Geoscience, d’immenses régions volcaniques, appelées provinces ignées de grande ampleur (LIP), auraient continué à libérer d’importantes quantités de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère longtemps après l’arrêt de leur activité éruptive en surface.
Une Source Cachée de CO2 qui Perdure
D’après Benjamin Black, volcanologue à l’Université Rutgers-New Brunswick qui a dirigé ces recherches, cette découverte est essentielle car elle met en lumière une source insoupçonnée de CO2 atmosphérique lors de périodes de réchauffement global soudain. Et surtout, elle révèle que ces émissions volcaniques ont perduré bien plus longtemps qu’anticipé.
Les provinces ignées de grande ampleur, formées lors d’éruptions massives de magma sur de courtes périodes géologiques, sont associées à quatre des cinq grandes extinctions de masse depuis l’apparition de la vie complexe sur Terre. Les quantités colossales de gaz à effet de serre qu’elles ont émis, notamment du CO2 et du méthane, ont engendré un réchauffement climatique global et une acidification des océans.
L’Extinction Massive de la Fin du Permien
Il y a 252 millions d’années, à la fin du Permien, l’activité intense des Trapps de Sibérie, une de ces LIP, a provoqué la pire crise biologique connue. Plus de 90% des espèces marines et 70% des espèces terrestres ont été anéanties. Intriguant les scientifiques, les perturbations du cycle du carbone et la concentration élevée de CO2, responsables de cet épisode, ont persisté près de trois millions d’années après la fin de l’activité volcanique visible.
Un Dégazage Profond et Durable
En compilant des données géochimiques, des simulations informatiques et des archives climatiques, les chercheurs avancent une hypothèse pour expliquer cette durée anormalement longue. Même une fois les éruptions en surface terminées, la production de magma se serait poursuivie en profondeur, dans la croûte et le manteau terrestre, continuant à dégazer d’importantes quantités de CO2. Un phénomène invisible en surface, mais aux conséquences climatiques majeures et durables.
Un Espoir pour le Climat Actuel ?
Si cette source “cachée” de CO2 volcanique est confirmée, cela signifierait paradoxalement que les systèmes de régulation du climat terrestre fonctionnent mieux qu’on ne le pensait, même dans des conditions extrêmes. De quoi redonner un peu d’espoir face au changement climatique d’origine anthropique actuel.
Notre étude suggère que les systèmes de contrôle du climat de la Terre continuent de fonctionner même dans des conditions extrêmes.
Benjamin Black, volcanologue à l’Université Rutgers-New Brunswick
Toutefois, le chercheur tient à préciser que ce type de volcanisme, rare et exceptionnellement massif, ne s’est plus produit depuis 16 millions d’années et ne peut en aucun cas expliquer le réchauffement actuel. Le carbone émis par l’ensemble des volcans aujourd’hui représenterait moins de 1% des émissions de CO2 d’origine humaine.
Néanmoins, cette découverte redonne espoir quant à la capacité des processus géologiques naturels à progressivement retirer le CO2 d’origine anthropique de l’atmosphère. Un processus qui prendra tout de même des centaines de milliers, voire des millions d’années.
Une chose est sûre, cette étude ouvre de nouvelles perspectives passionnantes pour mieux comprendre les mécanismes complexes qui régissent le climat de notre planète sur le long terme. Et peut-être, à terme, mieux appréhender notre capacité à influencer son évolution future.