C’est un évènement diplomatique majeur qui se profile cette semaine à Malte. Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, se rendra sur l’île méditerranéenne les 5 et 6 décembre pour participer à une réunion ministérielle de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Il s’agira de son premier déplacement dans l’Union Européenne depuis le début de l’offensive militaire russe en Ukraine en février 2022.
Une visite diplomatique inédite depuis les sanctions européennes
Sergueï Lavrov, placé sous sanctions de l’UE, n’a plus foulé le sol européen depuis décembre 2021, lors d’un précédent sommet de l’OSCE en Suède. Son voyage à Malte marque donc une étape importante, dans un contexte de tensions exacerbées entre la Russie et les pays occidentaux suite à l’invasion de l’Ukraine.
Depuis le 24 février 2022, date du lancement de ce que le Kremlin qualifie « d’opération militaire spéciale », les échanges diplomatiques entre Moscou et les capitales européennes se sont drastiquement réduits, se limitant principalement aux enceintes onusiennes à New York. La venue de Lavrov à ce conseil ministériel de l’OSCE, plateforme de dialogue Est-Ouest héritée de la Guerre Froide, est donc particulièrement symbolique.
Possible prélude à un processus de paix ?
Cette visite intervient alors que des spéculations vont bon train sur un éventuel processus de paix en Ukraine. Mi-novembre, le chancelier allemand Olaf Scholz s’est entretenu au téléphone avec Vladimir Poutine, une première depuis fin 2022 entre les deux dirigeants. Une initiative qui a suscité l’ire de Kiev, le président ukrainien Volodymyr Zelensky accusant Berlin d’ouvrir une « boîte de Pandore », mais aussi l’incompréhension d’autres chancelleries occidentales, déterminées à continuer l’aide militaire à l’Ukraine pour arriver en position de force à la table des négociations.
Le retour annoncé de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier 2025 ajoute à l’incertitude. L’ancien et futur locataire du Bureau Ovale, connu pour son imprévisibilité et ses positions isolationnistes, fait en effet planer la menace d’un arrêt du soutien vital américain à l’effort de guerre ukrainien. Un changement de donne qui pourrait rebattre les cartes diplomatiques et précipiter des pourparlers de paix que certains semblent vouloir amorcer en coulisses.
Skopje 2023 : les leçons d’une confrontation
Pour autant, la dernière participation de Sergueï Lavrov à un raout de l’OSCE, fin 2023 à Skopje, n’invite guère à l’optimisme. Dans la capitale macédonienne, le chef de la diplomatie russe s’était attiré les foudres d’une écrasante majorité de participants, dénonçant tour à tour une « agression injustifiée et injustifiable » de Moscou contre son voisin ukrainien. Des diatribes auxquelles Lavrov n’avait daigné prêter qu’une oreille distraite, ostentatoirement absent de la salle au moment des prises de parole les plus offensives.
Plusieurs pays dont l’Ukraine, les États baltes et la Pologne avaient même boycotté le rassemblement ministériel, refusant de se retrouver dans la même pièce que l’émissaire du Kremlin. Un camouflet sans précédent dans l’histoire de l’organisation paneuropéenne, preuve de la défiance extrême à laquelle fait face la Russie sur la scène internationale.
Lavrov à Malte : un test pour la suite du conflit
Dès lors, le déplacement de Lavrov à Malte apparaît comme un véritable test, tant pour la Russie que pour les Occidentaux. Moscou joue gros. Une réception glaciale ou un éventuel boycott seraient vécus comme un camouflet et réduiraient encore un peu plus les canaux diplomatiques. A contrario, des discussions apaisées pourraient ouvrir une brèche et créer un précédent pour des contacts futurs.
Côté occidental aussi, l’enjeu est de taille. Après des mois d’unité sans faille derrière l’Ukraine, des divergences commencent à poindre sur la stratégie à adopter vis-à-vis de la Russie. Certains plaident pour une inflexibilité totale quand d’autres rêvent de renouer le fil du dialogue. Reste à savoir quel camp saura donner le la lors de cette réunion cruciale.
Quoi qu’il en soit, nul doute que la prestation de Sergueï Lavrov à Malte sera scrutée avec la plus grande attention. En fonction de son attitude et de l’accueil qui lui sera réservé, on pourra mieux jauger l’état des relations internationales et l’éventualité d’une sortie diplomatique au conflit ukrainien. Un conflit qui entre bientôt dans son 12ème mois et a déjà fait des dizaines de milliers de victimes et des millions de déplacés. L’espoir, même mince, d’une désescalade prochaine mérite qu’on s’y attarde.
