Il est un peu plus de 20h ce mercredi soir quand le premier appel parvient au commissariat d’Évry-Courcouronnes. Au bout du fil, un riverain paniqué signale une violente bagarre en cours dans le quartier des Pyramides, au nord de la ville. À leur arrivée sur place, les forces de l’ordre découvrent une scène d’une rare violence. Un homme gît au sol, le visage en sang. Il vient d’être lynché à coups de barres de fer par plusieurs individus qui ont pris la fuite avant l’arrivée de la police.
Moins d’une heure plus tard, c’est au tour du quartier du Canal d’être le théâtre d’affrontements d’une brutalité inouïe. Cette fois, c’est à coups de marteau qu’un homme est roué de coups par plusieurs agresseurs. Alertée, la police parvient à interpeller plusieurs suspects en possession d’armes par destination. Au total, ce sont cinq personnes qui ont été blessées au cours de cette soirée de violences urbaines, dont une très grièvement.
Une escalade de la violence qui inquiète
Ces événements, d’une gravité exceptionnelle, ont provoqué un vif émoi parmi les habitants d’Évry-Courcouronnes. Beaucoup s’inquiètent d’une escalade de la violence dans certains quartiers de la ville, gangrenés par le trafic de drogue et les rivalités entre bandes. Les élus locaux, eux, appellent à un renforcement des effectifs policiers sur le terrain pour endiguer ce fléau.
On ne peut plus continuer comme ça, il faut que l’État prenne ses responsabilités et nous donne les moyens de ramener l’ordre républicain dans nos quartiers.
– Stéphane Beaudet, maire d’Évry-Courcouronnes
Le spectre des émeutes de 2005
Pour beaucoup d’observateurs, ces violences font resurgir le spectre des émeutes urbaines qui avaient embrasé les banlieues françaises en 2005. À l’époque déjà, Évry-Courcouronnes avait été particulièrement touchée par les affrontements entre jeunes et forces de l’ordre. Quinze ans plus tard, force est de constater que malgré les plans successifs et les promesses gouvernementales, le mal-être des quartiers populaires reste entier.
Cocktail explosif
Chômage, pauvreté, échec scolaire, absence de perspectives… Les ingrédients du cocktail explosif qui mine les banlieues sont toujours là, prêts à s’enflammer à la moindre étincelle. Et malgré les efforts des associations et des éducateurs de rue pour maintenir un lien social, le fossé ne cesse de se creuser entre ces territoires relégués et le reste de la société.
- 40% : le taux de pauvreté dans certains quartiers d’Évry-Courcouronnes, soit 4 fois la moyenne nationale.
- 28% : le taux de chômage chez les jeunes de moins de 25 ans dans ces mêmes quartiers.
- 6 ans : l’écart d’espérance de vie entre les habitants des Pyramides et le reste de la population française.
Une politique de la ville à réinventer
Face à ce constat alarmant, c’est toute la politique de la ville qu’il faut aujourd’hui réinventer. Cela passe par un réinvestissement massif de l’État dans les services publics de proximité (éducation, santé, transports…), mais aussi par une plus grande mixité sociale et urbaine pour en finir avec la relégation de ces quartiers. Les élus locaux réclament également des peines plus sévères contre les dealers et les caïds qui font régner la loi du plus fort.
On ne réglera pas le problème uniquement par le répressif. Il faut redonner espoir à cette jeunesse, leur offrir de vraies perspectives d’avenir.
– Marjorie Micucci, adjointe au maire chargée de la politique de la ville
La tâche s’annonce immense, mais l’urgence n’a jamais été aussi grande. Car derrière la spirale des violences qui gangrènent les banlieues, c’est le spectre d’une faillite collective qui se profile. Celle d’une société incapable d’offrir un avenir à tous ses enfants. Les événements d’Évry-Courcouronnes doivent servir d’électrochoc. Pour qu’un tel déchaînement de haine ne se reproduise plus. Pour que la promesse républicaine d’égalité ne reste pas un vain mot.