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Viol de 2015 Résolu par Généalogie Génétique et FBI

En 2015, une joggeuse est attaquée au tournevis, étranglée et violée au bord d’une rivière. L’affaire semblait vouée à l’oubli… jusqu’à ce que le FBI et la généalogie génétique permettent d’arrêter le suspect 9 ans plus tard. Comment cette technique interdite en France a-t-elle pu aboutir ?

Imaginez courir tranquillement au bord d’une rivière, le soleil qui se lève, le silence seulement troublé par votre respiration. Et soudain, un inconnu surgit, vous menace avec un tournevis, vous étrangle et vous viole. C’est exactement ce qu’a vécu une femme en 2015. Neuf ans plus tard, l’impensable vient de se produire : son agresseur a été identifié et placé en garde à vue.

Une percée spectaculaire dans un cold case français

Mardi dernier, un homme de 28 ans a été interpellé grâce à une méthode encore rare en France : la généalogie génétique. Cette technique, popularisée aux États-Unis par l’arrestation du Golden State Killer, permet de retrouver un suspect à partir de son ADN en le comparant à des bases de données privées contenant des millions de profils génétiques volontaires.

En France, l’utilisation directe de ces bases commerciales est strictement interdite. Les enquêteurs doivent donc passer par une coopération internationale, ici avec le FBI, qui interroge lui-même les plateformes américaines.

Retour sur les faits de 2015

L’agression s’est déroulée en pleine journée. La victime faisait son jogging le long d’une rivière quand elle a été surprise par un homme armé d’un tournevis. Il l’a menacée, étranglée jusqu’à perte de connaissance, puis violée. Les traces ADN prélevées sur la scène de crime n’avaient alors correspondu à aucun profil enregistré dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Pendant des années, l’enquête piétine. Le dossier finit par atterrir au pôle national des crimes sériels et non élucidés, plus connu sous le nom de pôle « cold cases », créé en 2022 à Nanterre.

Comment fonctionne la généalogie génétique ?

Le principe est simple dans sa brutalité : des millions de personnes ont volontairement envoyé leur salive à des sociétés comme 23andMe ou Ancestry pour connaître leurs origines. Ces bases constituent aujourd’hui la plus grande bibliothèque génétique privée au monde.

Lorsqu’un ADN inconnu est retrouvé sur une scène de crime, les enquêteurs cherchent des correspondances partielles (cousins éloignés, arrière-petits-cousins…). En reconstruisant l’arbre généalogique à l’envers, ils finissent par cerner une famille, puis un individu.

« C’est une prouesse spectaculaire. Un coup de maître qui montre que, quand on se donne les moyens, ça paye. »

Maître Lee Takhedmit, avocat de la victime

Une collaboration FBI-France déjà rodée

Ce n’est pas la première fois que cette méthode est utilisée en France. Fin 2022, Bruno L., surnommé le « prédateur des bois », avait été arrêté grâce à la même technique. Ce violeur en série avait agressé cinq adolescentes entre 1998 et 2008. Il s’était suicidé en prison après avoir reconnu les faits.

Le parquet de Nanterre insiste : cette coopération respecte scrupuleusement les règles de l’entraide judiciaire internationale. Aucune base de données privée n’est consultée directement par les autorités françaises.

Pourquoi cette technique reste controversée

En France, la loi interdit formellement l’usage commercial ou privé de l’ADN hors cadre médical ou judiciaire strict. Toute personne qui uploaderait son génome sur une plateforme étrangère risque théoriquement jusqu’à un an de prison et 15 000 € d’amende.

Cette interdiction vise à protéger la vie privée et à éviter la constitution de bases de données massives échappant au contrôle de l’État. Pourtant, paradoxalement, ce sont ces mêmes bases étrangères qui permettent aujourd’hui de résoudre des affaires désespérées.

Le débat est lancé : faut-il assouplir la législation pour autoriser cette méthode sous contrôle judiciaire strict ? Ou maintenir l’interdiction au nom de la protection des libertés ?

L’espoir retrouvé pour des centaines de victimes

Pour l’avocat de la victime, cette arrestation représente bien plus qu’une simple interpellation. C’est la preuve que même les crimes les plus anciens ne sont plus à l’abri de la justice.

Dans les couloirs du pôle cold cases de Nanterre, des dizaines d’affaires similaires attendent d’être rouvertes. Viols, meurtres, disparitions… Certaines remontent aux années 1980. Avec la généalogie génétique, l’espoir renaît pour des familles qui avaient perdu tout espoir.

La victime de 2015, elle, a qualifié cette nouvelle de « bonne nouvelle » par la voix de son avocat. Un euphémisme pour décrire le soulagement immense de savoir enfin que son agresseur ne courra plus jamais en liberté.

Vers une révolution des enquêtes criminelles ?

Cette affaire n’est probablement que le début. Les magistrats du pôle cold cases ont déjà sélectionné une trentaine de dossiers prioritaires pour lesquels la généalogie génétique pourrait être tentée.

Au-delà des viols et meurtres, cette méthode pourrait aussi aider à retrouver l’identité de corps non identifiés ou à innocenter des condamnés à tort – comme cela s’est déjà produit aux États-Unis.

Une chose est sûre : l’ADN, même vieux de plusieurs décennies, ne ment jamais. Et grâce à la curiosité généalogique de millions d’Américains ordinaires, les criminels les plus prudents d’hier deviennent les proies d’aujourd’hui.

L’histoire de cette joggeuse agressée en 2015 nous rappelle une vérité brutale mais réconfortante : la science et la coopération internationale peuvent parfois réparer ce que le temps avait brisé.

Neuf ans d’attente. Neuf ans de cauchemars. Et un simple échantillon d’ADN oublié qui, un jour de 2025, a enfin parlé.

La justice, même lente, finit parfois par rattraper ceux qui pensaient avoir échappé à tout.

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