Imaginez un pays où, du jour au lendemain, la carte administrative est redessinée, des provinces entières disparaissent, et des dizaines de milliers de fonctionnaires se retrouvent sans emploi. C’est exactement ce qui se passe au Vietnam, où une réforme sans précédent secoue les fondations de l’État communiste. Présentée comme une révolution, cette transformation vise à rendre l’administration plus efficace tout en économisant des milliards de dollars. Mais à quel prix pour les citoyens et les employés publics ?
Une Transformation Historique pour le Vietnam
Le Vietnam, connu pour sa croissance fulgurante et son rôle clé dans les exportations mondiales, traverse une période de bouleversements majeurs. En juin 2025, l’Assemblée nationale a approuvé une réforme administrative d’envergure, réduisant de moitié le nombre de provinces et redessinant la carte du pays. Cette initiative, votée à une écrasante majorité, marque un tournant décisif dans la gestion de l’État. Mais pourquoi un tel changement, et quelles en sont les implications ?
Un Nouveau Découpage Territorial
Le Vietnam comptait jusqu’à récemment 63 entités administratives, incluant provinces et villes autonomes. Désormais, ce nombre est ramené à 34, avec 28 provinces et six villes autonomes. Cette réduction drastique vise à simplifier la gestion territoriale et à optimiser les ressources publiques. Par exemple, Ho Chi Minh-Ville, le poumon économique du pays, absorbe deux provinces voisines pour devenir une mégalopole de 14 millions d’habitants. En revanche, la capitale Hanoï conserve son statut inchangé.
Ce redécoupage, qui entrera en vigueur début juillet 2025, ne se limite pas à fusionner des régions. Il s’accompagne d’une réduction des échelons administratifs locaux, passant de trois à deux niveaux. Les communes seront agrandies, ce qui entraînera la suppression de près de 70 % des postes municipaux. Une telle restructuration, qualifiée de « révolution » par les autorités, n’a pas de précédent depuis la fin de la guerre du Vietnam.
« Il s’agit de la plus grande révolution depuis la création du pays. »
Ministre de l’Intérieur vietnamien
80 000 Emplois Supprimés : Un Choc Social
L’un des aspects les plus marquants de cette réforme est la suppression massive d’emplois publics. Environ 80 000 postes seront éliminés, soit un emploi sur cinq dans le secteur public d’ici cinq ans. Cette mesure s’inscrit dans une volonté de rationaliser l’appareil étatique, mais elle suscite des inquiétudes parmi les fonctionnaires, pour qui travailler pour l’État était synonyme de stabilité.
Un employé provincial, membre du Parti communiste, a partagé son désarroi : après plus de trente ans de service, il se retrouve contraint de quitter son poste. Bien qu’il puisse recevoir une compensation financière, il confie ne pas savoir comment rebondir à 58 ans. Cette situation illustre le coût humain de la réforme, qui touche des milliers de familles à travers le pays.
Chiffres clés de la réforme :
- 63 entités administratives réduites à 34.
- 80 000 emplois publics supprimés.
- 70 % des postes municipaux éliminés.
- Ho Chi Minh-Ville : 14 millions d’habitants après fusion.
Un Contexte Économique sous Pression
Pourquoi une réforme aussi radicale maintenant ? Le Vietnam, avec un taux de croissance de 7,1 %, est un champion économique en Asie du Sud-Est. Cependant, son modèle basé sur l’exportation de produits à faible valeur ajoutée est menacé. Les tensions commerciales, notamment avec les États-Unis, où des surtaxes douanières de 46 % sont envisagées, poussent les dirigeants à repenser leur stratégie.
En février 2025, une première vague de réformes avait déjà réduit le nombre de ministères et d’agences de 30 à 22, entraînant le départ de 23 000 fonctionnaires. Cette nouvelle étape, bien plus ambitieuse, s’inscrit dans une volonté de rendre l’État plus agile et compétitif face aux défis mondiaux. Le dirigeant vietnamien To Lam a souligné que cette restructuration vise un « développement national rapide, stable et durable ».
Entre Soutien et Nostalgie
La réforme divise les Vietnamiens. Certains, comme Nguyen Thang Loi, 52 ans, soutiennent la fusion des provinces, y voyant une opportunité de modernisation. Cependant, il déplore la disparition du nom de sa province natale, Thai Binh, qui sera absorbée par Hung Yen. Ce sentiment de perte d’identité régionale est partagé par beaucoup, même parmi ceux qui reconnaissent les bénéfices de la réforme.
Le gouvernement, quant à lui, insiste sur les avantages à long terme : une administration plus efficace, des économies substantielles, et une meilleure capacité à répondre aux besoins des citoyens. L’objectif est clair : transformer un système autrefois passif en un appareil au « service actif » du peuple.
Un Pari sur l’Avenir
Le Vietnam ambitionne de rejoindre le cercle des économies à revenu élevé d’ici 2045. Cette réforme administrative, bien que douloureuse pour beaucoup, est perçue comme une étape cruciale pour y parvenir. En réduisant la bureaucratie et en optimisant les ressources, le pays espère se doter d’un modèle plus adapté aux exigences du XXIe siècle.
Mais le chemin est semé d’embûches. La suppression massive d’emplois risque de créer des tensions sociales, tandis que les pressions économiques extérieures continuent de s’intensifier. Le succès de cette « révolution » dépendra de la capacité du gouvernement à accompagner les personnes affectées et à préserver la cohésion nationale.
Un Modèle Inspiré par l’Étranger ?
Cette réforme rappelle des initiatives similaires ailleurs dans le monde, où des gouvernements cherchent à réduire les coûts en sabrant dans les structures publiques. Sans citer de cas précis, on note que des pays confrontés à des défis économiques ont souvent opté pour des mesures drastiques. Au Vietnam, cette approche s’inscrit dans une logique communiste, mais avec une touche de pragmatisme qui surprend les observateurs.
| Aspect | Impact |
|---|---|
| Fusion des provinces | 34 entités au lieu de 63 |
| Suppression d’emplois | 80 000 postes éliminés |
| Croissance économique | Objectif : revenu élevé d’ici 2045 |
Le Vietnam à la Croisée des Chemins
En conclusion, la réforme administrative du Vietnam est un pari audacieux qui pourrait redéfinir l’avenir du pays. En simplifiant son appareil étatique, le Vietnam cherche à s’adapter à un monde en rapide évolution tout en préservant son identité communiste. Mais cette transformation ne se fera pas sans sacrifices. Les 80 000 fonctionnaires licenciés, les provinces disparues, et les citoyens confrontés à un nouveau paysage administratif rappellent que tout progrès a un coût.
Alors que le pays se prépare à cette nouvelle ère, une question demeure : cette révolution tiendra-t-elle ses promesses, ou deviendra-t-elle un symbole de rupture ? L’avenir du Vietnam, entre ambition et défis, se joue maintenant.
