Au cœur d’une crise politique qui s’envenime, le Venezuela de Nicolas Maduro s’apprête à entamer une réforme constitutionnelle qui divise profondément le pays. Alors que l’opposition dénonce une dérive dictatoriale, le président socialiste affirme vouloir « construire un État nouveau ». Mais derrière les promesses de démocratie élargie, beaucoup craignent un tournant autoritaire irréversible.
Une Commission pour Réformer la Constitution
Ce mercredi 15 janvier, à peine cinq jours après le début controversé de son troisième mandat, Nicolas Maduro a annoncé la création d’une commission spéciale chargée de rédiger une nouvelle Constitution. Selon le chef de l’État, l’objectif est de « construire un État nouveau, en définissant clairement le profil de la société » d’un point de vue culturel et institutionnel.
Mais si le président parle d’une réforme « pour élargir la démocratie », l’opposition y voit surtout un moyen pour le pouvoir de s’arroger des prérogatives exorbitantes. En effet, la commission sera présidée par Tarek William Saab, un fidèle de Maduro, et comptera parmi ses membres l’épouse du président, Cilia Flores.
Le projet de réforme, dont le contenu précis n’a pas encore été dévoilé, sera soumis à référendum à une date encore inconnue. Il survient dans un contexte particulièrement tendu, après l’adoption ces derniers mois de plusieurs lois antifascistes et anti-corruption jugées liberticides par l’opposition.
Un « Système Communal » qui Inquiète
Parmi les éléments les plus controversés évoqués par Maduro figure la mise en place d’un « système de gouvernement communal » pour la période 2025-2031. Un projet qui suscite la défiance de l’opposition, qui y voit un moyen de court-circuiter les élus locaux et de concentrer le pouvoir entre les mains du parti présidentiel.
C’est un nouveau système pour gouverner avec le peuple.
Nicolas Maduro, à propos du système communal
De son côté, le chef de l’État assure que ce système permettra au contraire « de gouverner avec le peuple ». Mais dans les rangs de l’opposition comme de la société civile, beaucoup redoutent que cela ne soit qu’un écran de fumée masquant une reprise en main autoritaire des institutions.
Une Élection Présidentielle Toujours Contestée
L’annonce de cette réforme constitutionnelle intervient alors que la légitimité même du président Maduro est toujours remise en cause par l’opposition, près de six mois après la présidentielle de juillet.
Pourtant proclamé vainqueur avec 52% des voix par le Conseil national électoral, Maduro voit sa victoire contestée par l’opposition. Celle-ci assure que son candidat, Edmundo Gonzalez Urrutia, a en réalité recueilli plus de 67% des suffrages, d’après les procès-verbaux collectés par ses scrutateurs.
Mais le pouvoir a refusé de publier les procès-verbaux des bureaux de vote comme le prévoit pourtant la loi, invoquant un piratage informatique. Une explication jugée peu crédible par de nombreux observateurs, et qui nourrit les soupçons de fraude.
Notre victoire a été volée et le monde entier le sait.
Maria Corina Machado, figure de l’opposition vénézuélienne
Dans ce contexte, l’opposition et une grande partie de la communauté internationale continuent de ne pas reconnaître la réélection de Maduro. Pour eux, ce projet de nouvelle Constitution n’est qu’une tentative de plus de verrouiller le système au profit du clan présidentiel.
Quel Avenir pour la Démocratie Vénézuélienne ?
Près de vingt-cinq ans après l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez et l’instauration de la « révolution bolivarienne », le Venezuela semble plus que jamais s’enfoncer dans une crise politique et institutionnelle majeure. Avec un pouvoir qui s’arc-boute et une opposition muselée, les perspectives démocratiques s’amenuisent de jour en jour.
Pour l’opposition comme pour de nombreux observateurs, la priorité devrait être donnée à l’organisation d’élections libres et transparentes sous supervision internationale, afin de rétablir la confiance dans le processus démocratique. Mais le régime de Maduro semble déterminé à s’accrocher coûte que coûte au pouvoir, quitte à franchir un nouveau pas vers l’autoritarisme avec cette réforme constitutionnelle.
Reste à savoir comment réagira la communauté internationale, jusqu’ici plutôt en retrait, face à cette nouvelle dérive. Alors que le pays s’enfonce chaque jour davantage dans le marasme économique et social, l’avenir de la démocratie vénézuélienne n’a jamais semblé aussi incertain.