Imaginez être arraché à votre vie, expulsé sans procès vers un pays étranger, puis enfermé dans une prison où la lumière du jour n’existe pas. C’est le cauchemar qu’ont vécu 252 Vénézuéliens, déportés des États-Unis vers une prison de haute sécurité au Salvador. Leur témoignage, glaçant, révèle des actes de torture, des violences physiques et psychologiques, et des conditions de détention inhumaines. Cette affaire, qui secoue les relations internationales, a poussé le Venezuela à ouvrir une enquête contre le président salvadorien Nayib Bukele, accusé de crimes contre l’humanité. Que s’est-il passé dans cette prison surnommée le « Centre de confinement du terrorisme » ? Plongeons dans cette histoire troublante.
Une Prison Salvadorienne sous le Feu des Accusations
Le Salvador, sous la présidence de Nayib Bukele, est souvent salué pour sa lutte sans merci contre les gangs. Mais cette fermeté a un revers sombre. Le Cecot, une prison ultra-sécurisée conçue pour les membres de gangs, est devenu un symbole controversé. En mars 2025, 252 Vénézuéliens, accusés sans preuves formelles d’appartenir au gang Tren de Aragua, ont été expulsés des États-Unis vers cette forteresse carcérale. Pendant quatre mois, ils ont enduré des conditions de détention qui, selon leurs témoignages, relèvent de la barbarie.
Le procureur général vénézuélien, Tarek William Saab, n’a pas mâché ses mots. Lors d’une conférence de presse à Caracas, il a dénoncé des actes de torture systématiques et annoncé l’ouverture d’une enquête visant directement Bukele et plusieurs membres de son gouvernement. Cette affaire ne se limite pas à une querelle bilatérale : elle met en lumière des questions brûlantes sur les droits humains et la justice internationale.
Des Témoignages Glaçants de Tortures
Les récits des Vénézuéliens rapatriés sont à glacer le sang. Andry Hernandez Romero, un coiffeur de 32 ans, a partagé une expérience particulièrement traumatisante. Dans une vidéo diffusée par les autorités vénézuéliennes, il affirme avoir été victime de violences sexuelles infligées par des gardiens salvadoriens. « Nous pensions ne jamais revoir nos proches », confie-t-il, la voix brisée. Les abus ne s’arrêtent pas là. Les détenus décrivent des passages à tabac, des tirs de balles en caoutchouc et un isolement total dans des cellules sans lumière ni ventilation.
« Nous avons subi des tortures, des agressions physiques et psychologiques. J’ai été abusé sexuellement par les autorités salvadoriennes. »
Andry Hernandez Romero, ancien détenu
Les conditions de vie dans le Cecot étaient tout aussi inhumaines. Les détenus recevaient de la nourriture avariée et de l’eau impropre à la consommation. Aucun contact avec un avocat ou leurs familles ne leur était autorisé, une violation flagrante des droits fondamentaux. Ces témoignages, recueillis par 80 fonctionnaires du ministère public vénézuélien, dressent le portrait d’un système carcéral conçu pour briser les individus.
Un Rapatriement Négocié sous Tension
Le calvaire de ces 252 Vénézuéliens a pris fin grâce à un accord entre les États-Unis et le Venezuela. En échange de leur libération, Caracas a relâché dix citoyens et résidents américains détenus sur son sol, ainsi que 80 autres Vénézuéliens considérés comme prisonniers politiques par l’opposition. Les négociations, menées exclusivement avec Washington, ont été finalisées en urgence, quelques heures seulement avant l’échange effectif, le vendredi 18 juillet 2025.
Jorge Rodriguez, président du Parlement vénézuélien et négociateur en chef, a tenu à préciser que Nayib Bukele n’a joué aucun rôle direct dans ces discussions. « Il ne nous est jamais venu à l’esprit de parler au clown », a-t-il déclaré, qualifiant le président salvadorien de simple exécutant des ordres américains. Cette remarque illustre la tension palpable entre les deux pays, alors que le Venezuela accuse le Salvador d’avoir transformé le Cecot en un « camp de concentration ».
Les Répercussions Internationales
L’affaire dépasse les frontières du Venezuela et du Salvador. Tarek William Saab a appelé la Cour pénale internationale et le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à enquêter sur ces allégations. Cette demande intervient dans un contexte où le Venezuela lui-même est sous le coup d’une enquête de la CPI pour des crimes contre l’humanité. L’opposition vénézuélienne, qui dénonce régulièrement des tortures dans les prisons du pays, pourrait voir dans cette affaire une tentative du gouvernement Maduro de détourner l’attention.
Récapitulatif des accusations vénézuéliennes :
- Violences sexuelles et physiques sur les détenus.
- Conditions inhumaines : nourriture avariée, eau non potable.
- Isolement total, sans accès à un avocat ou à la famille.
- Attaques systématiques avec des balles en caoutchouc.
La situation met également en lumière les politiques migratoires controversées des États-Unis. En s’appuyant sur une loi de 1798 rarement utilisée, Washington a expulsé ces Vénézuéliens sans procès, les accusant d’appartenir à une organisation criminelle. Cette décision soulève des questions sur la légalité et l’éthique des expulsions massives, surtout lorsque les migrants se retrouvent dans des conditions aussi extrêmes.
Le Retour des Migrants : Entre Soulagement et Traumatismes
À leur retour au Venezuela, les 252 rapatriés ont été soumis à des examens médicaux pour évaluer leur état physique et psychologique. Pour beaucoup, les retrouvailles avec leurs familles sont encore en attente, ajoutant à l’angoisse des proches. Mercedes Yamarte, une mère de famille de Maracaibo, a préparé une fête pour accueillir son fils Mervin, mais elle ignore encore quand il pourra rentrer. « Entendre sa voix après quatre mois et sept jours, c’était une joie indescriptible », confie-t-elle, émue.
« Ils sont sortis de cet enfer. »
Erkia Palencia, mère d’un rapatrié
Pourtant, le retour à la vie normale ne sera pas simple. Les traumatismes subis dans le Cecot laisseront des cicatrices durables. Les récits d’abus, d’isolement et de violences psychologiques soulignent l’urgence d’une prise en charge adaptée pour ces anciens détenus. Le gouvernement vénézuélien, tout en dénonçant les exactions salvadoriennes, devra également répondre aux critiques sur ses propres pratiques carcérales.
Un Contexte Politique Explosif
Cette affaire s’inscrit dans un contexte de tensions géopolitiques complexes. Le Venezuela, en proie à une crise politique et économique depuis des années, utilise cet incident pour se poser en défenseur des droits humains, malgré les accusations qui pèsent sur lui. De son côté, Nayib Bukele, figure controversée mais populaire au Salvador, pourrait voir sa réputation internationale entachée par ces révélations. Son approche musclée contre la criminalité, bien qu’efficace pour réduire les violences des gangs, est de plus en plus critiquée pour ses dérives autoritaires.
Les États-Unis, quant à eux, se retrouvent dans une position délicate. Leur rôle dans l’expulsion des Vénézuéliens vers le Cecot soulève des questions sur leur responsabilité dans les abus subis par ces migrants. L’accord d’échange, bien qu’ayant permis la libération des détenus, ne répond pas aux préoccupations plus larges sur les politiques migratoires et les partenariats avec des régimes controversés.
Vers une Enquête Internationale ?
L’appel du Venezuela à la Cour pénale internationale pourrait marquer un tournant. Si une enquête est ouverte, elle pourrait non seulement cibler le Salvador, mais aussi remettre en question les pratiques d’expulsion des États-Unis. Les organisations de défense des droits humains, déjà alertées par les conditions de détention au Cecot, pourraient intensifier leurs pressions pour une réforme des politiques carcérales salvadoriennes.
Pays | Rôle dans l’affaire |
---|---|
Venezuela | Dénonce les tortures, ouvre une enquête, négocie la libération. |
Salvador | Accusé de tortures dans la prison Cecot. |
États-Unis | Expulse les migrants, négocie leur libération. |
Pour l’instant, les Vénézuéliens rapatriés tentent de se reconstruire. Leurs témoignages, soutenus par des examens médicaux, pourraient jouer un rôle clé dans d’éventuelles procédures internationales. Mais au-delà des aspects judiciaires, cette affaire rappelle une vérité universelle : les droits humains doivent être protégés, quelles que soient les circonstances. La communauté internationale saura-t-elle répondre à cet appel ?
En attendant, les familles des rapatriés oscillent entre espoir et incertitude. Pour Mercedes Yamarte, la voix de son fils au téléphone est un premier pas vers la guérison. Mais pour les 252 Vénézuéliens, le chemin vers la justice et la paix intérieure sera long. Cette affaire, loin d’être un simple fait divers, pourrait redéfinir les débats sur les migrations, les prisons et les relations internationales dans les années à venir.