Dans un petit village du sud-ouest du Tchad, la tragédie a frappé. Jeudi, une attaque brutale a coûté la vie à au moins 17 personnes, parmi lesquelles 11 enfants et six femmes. Ce drame, qualifié de vendetta par les autorités locales, soulève des questions brûlantes sur les tensions intercommunautaires qui déchirent certaines régions du pays. Comment un tel cycle de violence peut-il perdurer, et quelles sont les racines de ces conflits ? Cet article explore les événements récents à Oregomel, leurs causes profondes, et les défis auxquels le Tchad fait face pour apaiser ces rivalités.
Un Massacre à Oregomel : les Faits
À Oregomel, un village isolé du sud-ouest tchadien, une attaque menée par des éleveurs armés de machettes a semé la terreur. Selon un représentant des autorités régionales, le bilan provisoire fait état de 17 morts, dont une majorité d’enfants et de femmes. Ce drame serait une réponse à un précédent massacre survenu le 14 mai à Mandakao, à seulement cinq kilomètres de là, où 42 personnes avaient perdu la vie lors d’une attaque visant des éleveurs peuls.
« En somme, c’est une vendetta », a déclaré un responsable local, pointant du doigt des tensions entre communautés.
Les assaillants, identifiés comme appartenant à la communauté peule, auraient agi en représailles. Vingt d’entre eux ont été arrêtés, selon le procureur de Pala, mais l’arrestation de ces individus suffira-t-elle à calmer les esprits ? Ce cycle de vengeance semble profondément enraciné dans des différends plus anciens.
Les Racines du Conflit : Agriculteurs contre Éleveurs
À l’origine de ces violences, un différend récurrent oppose les agriculteurs ngambayes, sédentaires, aux éleveurs peuls, nomades. Ces deux groupes se disputent l’accès à la terre, essentielle pour leurs activités respectives. Les agriculteurs accusent les éleveurs de laisser leurs troupeaux détruire leurs champs, tandis que les éleveurs revendiquent leur droit de faire paître leurs animaux dans des zones de transhumance traditionnelles.
Chiffres clés des conflits agro-pastoraux au Tchad :
- Plus de 1 000 morts entre 2021 et 2024.
- Environ 2 000 blessés sur la même période.
- Des violences concentrées dans le sud et l’est du pays.
Ces tensions ne sont pas nouvelles. Elles s’inscrivent dans un contexte de marginalisation ressentie par les populations chrétiennes et animistes du sud, face à un pouvoir central souvent perçu comme favorisant les communautés musulmanes du nord. Ce sentiment d’injustice alimente les rancœurs et complique la recherche de solutions durables.
Un Contexte Politique Explosif
Le massacre d’Oregomel intervient dans un climat politique tendu. Après l’attaque de Mandakao en mai, un leader d’opposition, membre de l’ethnie ngambaye, a été arrêté. Accusé d’incitation à la haine et de complicité dans les violences, il reste en détention provisoire. Un message audio, attribué à cet homme politique, circule comme preuve de ses appels présumés à la violence. Dans ce climat, les autorités semblent redouter que les conflits communautaires ne soient instrumentalisés à des fins politiques.
« Apprenons à utiliser une arme à feu… soyons tous des boucliers protecteurs », aurait déclaré l’opposant dans un message en langue ngambaye.
Cette affaire illustre la complexité des dynamiques au Tchad, où les rivalités ethniques se mêlent aux luttes de pouvoir. Les accusations portées contre cet opposant risquent d’attiser davantage les tensions, notamment parmi les Ngambayes, qui se sentent visés par cette arrestation.
L’Est du Tchad : Une Autre Poudrière
Pendant ce temps, dans la province du Ouaddaï, à l’est du pays, d’autres violences intercommunautaires ont fait au moins 20 morts la semaine dernière. Ces affrontements opposent des agriculteurs ouaddaïens aux éleveurs zaghawa, après un vol de moto qui a dégénéré en bataille armée. Ce conflit, comme celui d’Oregomel, met en lumière les défis liés à la coexistence entre communautés aux modes de vie différents.
Région | Communautés impliquées | Cause principale |
---|---|---|
Sud-ouest (Oregomel) | Peuls vs Ngambayes | Disputes sur les terres |
Est (Ouaddaï) | Ouaddaïens vs Zaghawa | Vol de moto |
L’est du Tchad, zone stratégique à la frontière avec le Soudan, est depuis des décennies un foyer de tensions. Les rivalités entre agriculteurs sédentaires et éleveurs nomades y sont exacerbées par la concurrence pour les ressources et les routes de transhumance.
Des Conflits qui Dépassent les Frontières
Les violences impliquant la communauté peule ne se limitent pas au Tchad. Au Nigeria, par exemple, deux nouvelles attaques ont été signalées vendredi dans le centre-nord du pays, où les éleveurs peuls sont en conflit avec des agriculteurs sédentaires. Ces affrontements, qui ont également causé des dizaines de morts, soulignent la récurrence des tensions agro-pastorales dans la région du Sahel.
Pourquoi ces conflits sont-ils si difficiles à résoudre ? Plusieurs facteurs entrent en jeu :
- Concurrence pour les ressources : L’accès à la terre et à l’eau est crucial pour les deux groupes.
- Armement des communautés : Les armes circulent facilement, rendant les conflits plus meurtriers.
- Faiblesse de l’État : Les autorités peinent à imposer leur contrôle dans les zones rurales.
Ces éléments, combinés à des rivalités historiques, créent un cocktail explosif qui menace la stabilité de toute la région.
Les Défis pour la Paix
Face à ces violences, les autorités tchadiennes adoptent une posture ferme, parfois controversée. À N’Djamena, le procureur de la République a récemment menacé de poursuites les journalistes et membres de la société civile enquêtant sur le massacre de Mandakao. Cette mesure, perçue comme une tentative de museler les voix critiques, risque d’aggraver le sentiment d’injustice.
Pour briser le cycle de la violence, plusieurs pistes pourraient être envisagées :
- Dialogue intercommunautaire : Favoriser des discussions entre leaders peuls, ngambayes, ouaddaïens et zaghawa.
- Gestion des ressources : Délimiter clairement les zones de pâturage et d’agriculture.
- Renforcement de la sécurité : Déployer des forces impartiales pour prévenir les attaques.
Ces solutions, bien que prometteuses, nécessitent une volonté politique forte et des moyens conséquents, dans un pays où les priorités sont nombreuses.
Un Appel à l’Action
Les massacres d’Oregomel et du Ouaddaï sont des rappels tragiques des fractures qui divisent le Tchad. Derrière les chiffres, ce sont des familles brisées, des communautés déchirées, et un avenir incertain pour des milliers de personnes. La résolution de ces conflits passe par une approche globale, combinant justice, dialogue, et développement économique. Mais par où commencer ?
En attendant, les habitants d’Oregomel pleurent leurs morts, tandis que le spectre de nouvelles représailles plane. Le Tchad, à la croisée des chemins, doit trouver un moyen de panser ses plaies pour éviter que la vendetta ne devienne une norme. La paix est possible, mais elle demande du courage et de la détermination.