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Turkménistan : Poutine, Erdogan et l’Iranien dans le Pays le Plus Secret

Ce vendredi, Poutine, Erdogan et le président iranien foulent le sol du pays le plus fermé de la planète pour célébrer 30 ans de « neutralité ». Statues dorées géantes, livres obligatoires, chiens et chevaux divinisés… Mais derrière le décor, un record mondial de fuites de méthane et une mer qui disparaît. Vous n’êtes pas prêt pour ce que cache vraiment le Turkménistan…

Imaginez un pays où trois présidents parmi les plus controversés de la planète se retrouvent pour célébrer… la neutralité. C’est exactement ce qui se passe ce vendredi au Turkménistan, l’une des nations les plus impénétrables du globe. Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan et Massoud Pezeshkian posent leurs valises dans le désert du Karakoum pour les trente ans d’une doctrine qui a transformé ce riche État gazier en véritable forteresse.

Le pays où la neutralité rime avec isolement total

Le Turkménistan n’est pas simplement discret. Il est devenu, au fil des décennies, un État-ermite comparable à la Corée du Nord. Internet y est filtré au maximum, les réseaux sociaux inaccessibles pour la grande majorité, et les journalistes étrangers pratiquement persona non grata. Obtenir un visa relève du parcours du combattant.

Cette fermeture n’est pas un accident. Elle découle directement de la « neutralité permanente » reconnue par l’ONU en 1995 et érigée en dogme national. Officiellement, le pays refuse toute alliance militaire. En pratique, cette posture lui permet de refuser presque toute coopération internationale qui ne servirait pas directement le régime.

Une dynastie qui dure depuis trente-quatre ans

Depuis l’indépendance en 1991, seulement trois hommes ont dirigé le pays. Le premier, Saparmourat Niazov, s’était autoproclamé Turkmenbachi (« Père de tous les Turkmènes ») et président à vie. À sa mort en 2006, il laissait derrière lui des statues dorées et des portraits partout dans le pays.

Son successeur, Gourbangouly Berdymoukhamedov, a poursuivi sur la même voie, mais avec une touche personnelle : il a fait construire une ville entière à sa gloire, Arkadag, dotée d’une statue de 43 mètres le représentant conquérant à cheval. En 2022, il a transmis le pouvoir à son fils Serdar… tout en conservant le titre officiel de « Chef de la nation » et la réalité du pouvoir.

Aujourd’hui, père et fils gouvernent en tandem. Les médias d’État les célèbrent chaque jour. Le dernier livre de Serdar Berdymoukhamedov, consacré à la neutralité, est présenté comme un « précieux cadeau au peuple ».

Un sommet très sélectif

Les invités du 30e anniversaire ne sont pas choisis au hasard. Russie, Turquie et Iran partagent avec le Turkménistan une relation compliquée avec l’Occident et un intérêt commun pour le gaz. La Chine, grand client du gaz turkmène, est également de la partie.

Ces quatre pays forment le cercle très fermé des partenaires privilégiés. Tous les autres restent à distance respectueuse. Les ONG de défense des droits humains ? Interdites de facto. Les rapporteurs de l’ONU ? Jamais reçus. L’information ? Uniquement à la gloire du régime.

Quatrième réserve mondiale de gaz, dernier pour l’eau

Le sous-sol regorge de gaz naturel – le pays pointe à la quatrième ou cinquième place mondiale selon les estimations. Pourtant, l’eau manque cruellement. Trois quarts du territoire sont occupés par le désert du Karakoum.

Pour irriguer les cultures, notamment le coton très gourmand, un canal géant de 1 400 km détourne les eaux de l’Amou-Daria. Résultat : contribution massive à l’assèchement de la mer d’Aral, aujourd’hui réduite à moins de 10 % de sa surface d’origine.

Les « Portes de l’enfer » qui ne s’éteignent pas

Dans le Karakoum brûle depuis 1971 le cratère de Darvaza, surnommé « Portes de l’enfer ». Un accident de forage soviétique a provoqué l’effondrement du sol ; pour éviter la dispersion de méthane, les scientifiques y ont mis le feu… pensant que cela s’éteindrait en quelques semaines. Cinquante-quatre ans plus tard, il brûle toujours.

Ce spectacle attire les rares touristes, mais il symbolise un problème bien plus grave : en 2024, le Turkménistan a battu le record mondial du nombre de fuites massives de méthane, selon l’Agence internationale de l’énergie. Le cratère de Darvaza n’est que la partie visible d’une catastrophe écologique silencieuse.

Chevaux et chiens divinisés

Dans ce pays où l’humain est soumis au culte du chef, deux animaux occupent une place à part : le cheval akhal-teke, à la robe métallique unique au monde, et l’alabaï, gigantesque chien de berger.

Ils ont droit à leurs journées nationales, leurs statues monumentales, leurs associations dirigées par les Berdymoukhamedov eux-mêmes. Le père a composé une chanson pour son cheval préféré. Le fils est « honorable éleveur » d’alabaïs. Les photos officielles les montrent constamment en train de caresser ces animaux, renforçant l’image de bienveillance paternelle.

Derrière les dorures, les statues et les flammes éternelles, le Turkménistan reste une énigme. Un pays immensément riche en sous la terre, dramatiquement pauvre en libertés, qui célèbre sa neutralité en recevant ceux que l’Occident sanctionne ou critique. Un paradoxe vivant au cœur de l’Asie centrale, dont les portes restent hermétiquement fermées au reste du monde.

Et pendant que les caméras officielles filment les sourires protocolaires de ce sommet hors norme, le cratère continue de brûler dans le désert, rappel muet que certaines flammes, comme certains régimes, semblent faites pour durer éternellement.

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