Et si le prochain propriétaire de CNN était choisi directement depuis la Maison Blanche ? Mercredi, Donald Trump a franchi un cap supplémentaire en déclarant publiquement qu’il souhaitait que la chaîne d’information change de mains lors de la vente de sa maison mère, Warner Bros Discovery. Une intervention rare, directe, presque assumée, qui soulève immédiatement des questions sur l’indépendance des médias dans l’Amérique de 2025.
Une sortie qui ne surprend plus, mais qui inquiète
Depuis son premier mandat, le milliardaire républicain n’a jamais caché son hostilité envers CNN. Il la qualifie régulièrement d’« ennemi du peuple » et de média partisan au service de ses adversaires démocrates. Cette fois, il va plus loin : il estime que la chaîne doit être vendue séparément ou intégrée à un accord qui placerait ses dirigeants actuels à la porte.
Ses mots sont sans détour. Lors d’une table ronde à la Maison Blanche, il a affirmé que les personnes qui dirigent CNN aujourd’hui sont « soit corrompues, soit incompétentes ». Une formule choc, répétée depuis des années, mais prononcée cette fois dans un contexte bien précis : Warner Bros Discovery est en pleine bataille d’enchères.
Deux offres, deux visions du monde
Deux acheteurs se disputent le groupe américain. D’un côté, Paramount Skydance, dirigé par David Ellison, fils du milliardaire Larry Ellison, connu pour être proche de Donald Trump. De l’autre, Netflix, dont le cofondateur Reed Hastings a longtemps été un généreux donateur démocrate.
Les contours des offres diffèrent sensiblement. Skydance veut tout racheter en bloc, y compris CNN. Netflix, lui, envisage de séparer la chaîne d’information dans une entité distincte avant toute opération, une solution qui la mettrait à l’abri d’une prise de contrôle totale par un acteur jugé trop favorable au président.
Le message de Trump est limpide : il préfère nettement la première option. Il a même qualifié les deux entreprises de « bonnes entreprises », mais son insistance sur la nécessité de changer les équipes de CNN laisse peu de place au doute sur ses préférences.
Un président qui veut peser sur l’antitrust
En temps normal, l’approbation d’une telle transaction relève du ministère de la Justice et de la Federal Trade Commission. Trump a pourtant laissé entendre qu’il pourrait s’impliquer personnellement dans la décision. Une menace à peine voilée qui rappelle les débats de son premier mandat sur la concentration des médias et le pouvoir des géants technologiques.
Les deux candidats acheteurs auraient déjà multiplié les contacts avec la Maison Blanche. Une pratique courante dans les gros dossiers, mais qui prend une coloration particulière quand le président affiche aussi ouvertement ses préférences.
Skydance, l’option qui séduit Mar-a-Lago
Depuis que David Ellison a pris les rênes du nouveau groupe Paramount Skydance, plusieurs signaux forts ont été envoyés en direction du camp républicain. La nomination de Bari Weiss à la tête de la rédaction de CBS News a été perçue comme un tournant éditorial marqué à droite. Cette journaliste, connue pour ses positions anti-woke, incarne un journalisme qui plaît à une partie de l’électorat trumpiste.
Autre décision symbolique : la fin du Late Show de Stephen Colbert, animateur ouvertement critique du président. Un arrêt qui n’a pas manqué de faire réagir, même si la chaîne s’en défendait en invoquant des raisons purement économiques.
Ces choix ne passent d’ailleurs pas inaperçus auprès de Trump lui-même. Pourtant, le président a récemment reproché à Paramount d’avoir diffusé une interview de Marjorie Taylor Greene, désormais en froid avec lui. Un rappel que même les alliés potentiels restent sous surveillance.
Netflix, l’adversaire historique
En face, Netflix traîne une image très différente. Reed Hastings, son cofondateur, a longtemps été l’un des plus gros donateurs du Parti démocrate. La plateforme est régulièrement accusée, dans les cercles conservateurs, de promouvoir des contenus progressistes ou woke.
Leur proposition technique – isoler CNN dans une structure indépendante avant rachat – apparaît comme une parade pour éviter que la chaîne ne tombe entre des mains jugées trop favorables au président. Une stratégie qui, si elle aboutissait, limiterait fortement l’influence directe de tout nouvel actionnaire majoritaire.
Une bataille qui dépasse les seuls intérêts économiques
Derrière les milliards en jeu, c’est toute la question du contrôle de l’information qui se pose. CNN reste l’une des chaînes d’information les plus regardées aux États-Unis, même si son audience a baissé ces dernières années. La changer de propriétaire, c’est potentiellement modifier sa ligne éditoriale, ses priorités, ses invités, ses angles.
Pour Trump et ses soutiens, il s’agit de rééquilibrer un paysage médiatique qu’ils estiment biaisé contre eux. Pour ses adversaires, c’est une tentative d’intimidation qui menace la liberté de la presse et les principes démocratiques.
Le débat n’est pas nouveau. Il resurgit à chaque fois qu’un média majeur change de mains. Mais rarement un président en exercice s’est montré aussi direct, aussi déterminé à influencer l’issue.
Et maintenant ?
Les prochaines semaines seront décisives. Le ministère de la Justice va devoir examiner les deux offres sous l’œil attentif de la Maison Blanche. Les équipes de Warner Bros Discovery, elles, retiennent leur souffle : l’avenir de milliers d’emplois et de plusieurs marques historiques est en jeu.
Quant à CNN, elle continue d’assurer ses programmes comme si de rien n’était. Mais dans les couloirs d’Atlanta, l’incertitude est palpable. Changer de propriétaire dans ce contexte, ce n’est pas seulement changer de patron. C’est potentiellement changer d’identité.
L’histoire nous dira si Donald Trump parviendra à imposer sa vision. Une chose est sûre : le feuilleton ne fait que commencer. Et il promet d’être suivi avec passion, inquiétude ou colère, selon les camps. Parce qu’au-delà des chiffres et des contrats, c’est la question de savoir qui contrôle l’information qui est posée, brutalement, sur la table.
« Je pense que CNN devrait être vendue, car les personnes qui la dirigent en ce moment sont soit corrompues, soit incompétentes. »
– Donald Trump, le 10 décembre 2025
Cette phrase, prononcée devant les caméras du monde entier, restera probablement comme l’un des moments les plus marquants de ce début de second mandat. Elle résume à elle seule l’état des relations entre le président et une partie des grands médias américains. Et elle annonce une bataille qui dépasse largement les murs des salles de rédaction.
À suivre, donc. Très attentivement.
