Imaginez la scène : deux des hommes les plus puissants du monde discutent au téléphone et, en quelques minutes, décident de débloquer des milliards de dollars de technologie ultra-sensible. C’est exactement ce qui vient de se produire entre Donald Trump et Xi Jinping.
Un accord aussi inattendu que stratégique
Lundi, le président américain a publié un message explosif sur Truth Social. Il annonce avoir personnellement autorisé Nvidia à exporter certaines de ses puces vers la Chine, après un échange direct avec le président chinois. Le deal ? Washington donne son feu vert… mais prélève 25 % du chiffre d’affaires réalisé sur ces ventes pour les caisses américaines.
Un retournement spectaculaire quand on sait que, quelques mois plus tôt seulement, l’administration Trump avait interdit la vente des puces H20 spécialement conçues pour contourner les restrictions précédentes.
Quelles puces sont concernées exactement ?
L’accord porte sur les H200, des processeurs de la famille Hopper. Des cartes très puissantes, particulièrement prisées pour l’entraînement des modèles d’intelligence artificielle, mais qui ne représentent pas le tout dernier cri de Nvidia.
Depuis fin 2024, le géant américain commercialise en effet la gamme Blackwell (B200, GB200…), nettement plus performante. Les H200 autorisées restent donc un cran en dessous des puces de pointe que Washington continue de réserver exclusivement au marché occidental.
« Le président Xi a répondu favorablement ! 25 % seront versés aux États-Unis d’Amérique »
Donald Trump, Truth Social
Pourquoi Trump change-t-il brutalement de cap ?
Le président républicain n’a pas mâché ses mots. Il a violemment critiqué la politique de son prédécesseur Joe Biden, qu’il accuse d’avoir forcé les entreprises américaines à développer des versions « dégradées » de leurs produits, sans aucun bénéfice économique.
Pour Trump, bloquer totalement l’accès au marché chinois revient à offrir sur un plateau la domination technologique mondiale à Pékin. Son raisonnement : mieux vaut garder un pied dans la place, imposer des conditions draconiennes, et récupérer une partie des profits plutôt que de laisser Huawei, Biren ou Moore Threads combler le vide.
Le message est clair : l’Amérique doit rester le standard mondial de l’IA, même si cela implique de vendre (sous contrôle) à son principal rival.
Une taxe de 25 % : simple commission ou nouvelle doctrine ?
Le pourcentage retenu n’est pas anodin. En avril, un premier accord avait permis la vente des H20 contre 15 % reversés à l’État fédéral. Le bond à 25 % montre que Washington durcit ses exigences à mesure que les puces autorisées deviennent plus performantes.
Cette mécanique ressemble à une forme de taxe géopolitique : la Chine paie le droit d’accéder à la technologie américaine, et les États-Unis financent indirectement leur effort de guerre technologique avec l’argent de leur adversaire.
Reste à savoir comment ce prélèvement sera organisé : taxe à l’export, reversement volontaire de Nvidia, ou mécanisme plus complexe ? Le flou entretenu par la Maison Blanche laisse toutes les hypothèses ouvertes.
La réaction (très mesurée) de Pékin
Du côté chinois, on joue la carte de la prudence. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Guo Jiakun, n’a nié ni confirmé l’accord, se contentant d’une formule toute diplomatique :
« La Chine a toujours plaidé en faveur de bénéfices réciproques et d’accords gagnant-gagnant »
Une retenue qui s’explique facilement : accepter publiquement de payer une « taxe Trump » serait vécu comme une humiliation nationale. Pékin préfère donc laisser Washington communiquer seul sur le sujet.
L’opposition démocrate crie à la trahison
Aux États-Unis, la décision a déclenché une tempête. Plusieurs sénateurs démocrates ont publié un communiqué incendiaire, accusant Trump d’un « immense échec économique et de sécurité nationale ».
Ils estiment que donner accès, même limité, aux puces H200 va permettre à la Chine de :
- Rendre ses missiles plus précis
- Mener des cyberattaques plus sophistiquées
- Accélérer massivement ses programmes d’IA militaire
- Renforcer son industrie au détriment des travailleurs américains
Pour eux, aucun pourcentage, même élevé, ne justifie de livrer des technologies sensibles à un régime considéré comme la principale menace stratégique.
Nvidia : du presque zéro à des milliards potentiels
Pour le géant de Santa Clara, l’accord change tout. Au troisième trimestre, Nvidia n’avait réalisé que 50 millions de dollars de chiffre d’affaires en Chine continentale. Pire : l’entreprise n’anticipait zéro revenu de ce marché pour le trimestre en cours.
Avec l’autorisation des H200 à des « clients agréés par Washington », les perspectives redeviennent explosives. Même si les volumes restent encadrés, le marché chinois représente toujours plusieurs dizaines de milliards de dollars annuels pour les acteurs qui y ont accès.
Et Trump l’a annoncé clairement : AMD et Intel bénéficieront du même régime. La porte s’entrouvre pour toute l’industrie américaine des semi-conducteurs.
Vers une nouvelle guerre froide… tarifée ?
Cet accord marque peut-être le début d’une doctrine inédite : au lieu d’un embargo total, les États-Unis imposeraient une forme de péage technologique. Plus une puce est puissante et sensible, plus le pourcentage réclamé serait élevé.
Une stratégie qui rappelle, toutes proportions gardées, la politique de licences d’exportation de la CoCom pendant la Guerre froide, mais avec une dimension financière assumée.
En attendant, une question brûlante demeure : jusqu’où ira cette escalade de pourcentages ? 25 % aujourd’hui pour les H200… 50 % demain pour les futures Blackwell ?
Une chose est sûre : la guerre des puces entre Washington et Pékin entre dans une phase radicalement nouvelle. Et personne ne semble prêt à désamorcer la bombe à retardement que représente la course à l’intelligence artificielle.
À suivre de très près.









