En ces temps d’incertitude économique, chaque décision gouvernementale est scrutée à la loupe. Et celle qui se profile à l’horizon pourrait bien faire des vagues. Selon des sources bien informées, le gouvernement envisagerait de prolonger l’utilisation élargie des titres-restaurant dans la grande distribution pour l’année 2025. Une mesure qui avait été initialement mise en place pour soutenir le pouvoir d’achat des Français en pleine crise inflationniste, mais qui soulève l’ire des restaurateurs.
Titres-restaurant : un outil de pouvoir d’achat devenu pomme de discorde
Rappelons que depuis 2022, les salariés peuvent utiliser leurs titres-restaurant pour acheter tous types de produits alimentaires dans la grande distribution, y compris ceux qui ne sont pas consommables immédiatement, dans la limite de 25 euros par jour. Une mesure présentée comme temporaire, mais qui pourrait bien se pérenniser.
Du côté du gouvernement, on argue que les prix alimentaires, bien qu’en décélération, restent élevés par rapport à la période pré-crise. Prolonger la mesure serait donc un moyen de continuer à soutenir le pouvoir d’achat des Français. Mais les restaurateurs, eux, dénoncent une concurrence déloyale qui les prive d’une part substantielle de leur chiffre d’affaires.
La grande distribution, grande gagnante de l’extension des titres-restaurant
Et les chiffres leur donnent raison. Depuis l’entrée en vigueur de la mesure en 2022, la part de marché de la grande distribution sur les titres-restaurant a bondi de 8,4 points, tandis que celle des restaurateurs a chuté de 6,4 points. Un manque à gagner estimé à 576 millions d’euros pour les restaurateurs, et un transfert d’activité de 756 millions d’euros vers les supermarchés.
Depuis le quatrième trimestre 2022 et l’entrée en vigueur de l’extension à tous les produits alimentaires, la part de marché des grandes et moyennes surfaces a progressé de 8,4 points alors que celle des restaurateurs a reculé de 6,4 points sur la même période.
– L’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH)
Des habitudes de consommation en pleine mutation
Mais au-delà de la guerre des chiffres, c’est une véritable évolution des habitudes de consommation des salariés qui est en train de s’opérer. De plus en plus de Français préparent leur repas du midi la veille, chez eux, pour le manger sur leur lieu de travail. Un argument de poids pour le gouvernement, qui estime qu’il n’est pas anormal que les produits permettant de préparer ces repas puissent être achetés avec les titres-restaurant.
Vers une réforme en profondeur des titres-restaurant ?
Au-delà de la prolongation de la mesure pour 2025, le gouvernement réfléchit à une réforme plus globale du système des titres-restaurant. Avec un marché de près de 10 milliards d’euros par an, l’enjeu est de taille. Parmi les pistes évoquées : la dématérialisation complète des titres, et la mise en place d’un double plafond, avec un premier réservé à la restauration, et un second pour la grande distribution.
Une chose est sûre : le débat est loin d’être clos. Entre enjeux de pouvoir d’achat, mutation des habitudes de consommation et équilibre du secteur de la restauration, le gouvernement va devoir trancher. Et quel que soit son arbitrage, il fera des mécontents. Mais en attendant, les salariés devraient pouvoir continuer à payer leurs courses avec leurs titres-restaurant, au moins pour un an de plus.
Affaire à suivre donc, avec en toile de fond, la question plus large de l’adaptation de notre système de prestations salariales aux réalités économiques et sociales d’aujourd’hui. Un vaste chantier qui ne fait que commencer.