La ville d’Alep, symbole de la guerre en Syrie, vient d’être le théâtre d’un coup de tonnerre militaire qui prend tout le monde de court. En seulement quelques jours, des groupes rebelles et jihadistes ont lancé une puissante offensive contre le régime de Bachar al-Assad, parvenant à conquérir la majeure partie des quartiers de la grande cité du nord du pays.
Une offensive inattendue qui change la donne
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), basé au Royaume-Uni, l’alliance jihadiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) et des factions rebelles soutenues par la Turquie ont lancé mercredi une vaste attaque contre les positions du régime à Alep et dans la région voisine d’Idlib. L’effet de surprise a été total.
En un temps record, les assaillants ont pris le contrôle de dizaines de villages et surtout d’une grande partie d’Alep, y compris des bâtiments gouvernementaux et des prisons. Plus de 300 combattants ont été tués de part et d’autre, ainsi que 28 civils, rapporte l’OSDH.
Un timing bien choisi par les rebelles
Cette opération d’envergure était planifiée depuis plusieurs mois par HTS et ses alliés, explique Dareen Khalifa, de l’International Crisis Group. Ils l’ont présentée comme une riposte défensive face aux bombardements du régime et de la Russie contre l’enclave rebelle d’Idlib.
Mais le timing n’est pas anodin. L’offensive a été déclenchée au moment même où une trêve entrait en vigueur entre Israël et le Hezbollah libanais, un allié clé du régime syrien et de l’Iran. De plus, la Russie est mobilisée par sa guerre en Ukraine. « Ils pensent que maintenant les Iraniens sont affaiblis et le régime acculé », souligne Mme Khalifa.
Alep, une perte symbolique pour le régime
Au-delà de sa portée militaire, la perte d’Alep revêt une forte charge symbolique pour le pouvoir syrien. En 2016, la reprise totale de la ville aux mains des rebelles avait été une victoire cruciale pour Bachar al-Assad, avec le soutien massif de l’aviation russe.
La bataille d’Alep a représenté un tournant majeur dans la guerre en Syrie.
Un analyste proche du dossier
Un coup dur dans un contexte diplomatique complexe
Cette spectaculaire offensive rebelle intervient à un moment diplomatique délicat. Un rapprochement entre le régime syrien et la Turquie, soutien des rebelles, est en discussion depuis des années sous l’égide de Moscou et Téhéran, sans avancée notable.
Damas réclame un retrait des troupes turques du nord de la Syrie, mais Ankara vient de condamner les « attaques » du régime contre Idlib. Une réaction mesurée des alliés russes et iraniens de Damas pourrait être un moyen de pression, estime Caroline Rose, de l’institut Newlines, pour pousser le régime à négocier en position de faiblesse.
Les lignes du régime s’effondrent
Sur le terrain, les forces loyalistes semblent débordées. « Les lignes du régime se sont effondrées à un rythme incroyable qui a pris tout le monde par surprise », constate Mme Khalifa. Les insurgés ont coupé l’autoroute M5, artère stratégique reliant Damas à Alep, et progressé sans résistance notable selon l’OSDH.
Cette déroute s’expliquerait par la réduction de la présence militaire russe, mobilisée en Ukraine, et l’absence des combattants du Hezbollah, absorbés par le conflit avec Israël. Le régime syrien paierait la baisse de garde de ses soutiens, ayant peut-être trop vite cru la partie gagnée.
Une fragilité du pouvoir mise en lumière
Au final, cette offensive-éclair des rebelles syriens, par son ampleur et sa rapidité, révèle de manière crue la vulnérabilité persistante du régime de Bachar al-Assad après 12 ans de guerre.
Cette fulgurante progression des insurgés vient rappeler à quel point le régime est faible.
Aaron Stein, analyste
Selon des observateurs, le pouvoir syrien ne parvient toujours pas à contrôler l’ensemble de son territoire sans l’appui indéfectible de ses parrains étrangers. Cette brèche soudaine dans son dispositif sécuritaire risque de le fragiliser dans les négociations diplomatiques à venir.
La suite des événements à Alep sera scrutée de près par tous les acteurs impliqués dans le dossier syrien. Des sources affirment que l’étendue des gains territoriaux que les rebelles parviendront à préserver constituera un test révélateur de l’engagement de la Turquie à leurs côtés. Les prochains jours s’annoncent déterminants.