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Suspension de la BBC au Niger : un coup dur pour la liberté de la presse

La junte au Niger a annoncé la suspension de la BBC pour 3 mois, l'accusant de déstabiliser le pays. Cette mesure vient s'ajouter à la liste des médias occidentaux sanctionnés par les régimes militaires au Sahel. Où s'arrêtera cette répression de la liberté de la presse ?

La liberté de la presse est une nouvelle fois menacée en Afrique de l’Ouest. Au Niger, la junte militaire au pouvoir vient d’annoncer la suspension pour trois mois des programmes de la BBC, la célèbre radio britannique. Une décision qui s’inscrit dans un contexte régional tendu, où les médias occidentaux sont régulièrement pris pour cible par les régimes issus de coups d’État.

La BBC accusée de déstabiliser le Niger

Selon le ministre nigérien de la Communication Sidi Mohamed Raliou, la BBC est suspendue pour avoir diffusé des « informations erronées tendant à déstabiliser la quiétude sociale et à saper le moral des troupes » engagées dans la lutte contre les groupes jihadistes. Une accusation grave, qui n’est étayée par aucun exemple concret de reportage fautif.

Les programmes de la BBC en langue haoussa, particulièrement écoutés au Niger, sont dans le viseur des autorités. La mesure de suspension s’applique avec « effet immédiat » sur tout le territoire national, où la radio britannique diffuse via des partenaires locaux.

Deux autres médias occidentaux déjà suspendus

La BBC n’est pas la seule cible de la junte. Radio France Internationale (RFI) et France 24 sont suspendues depuis août 2023 au Niger, quelques jours seulement après le coup d’État ayant porté le général Abdourahamane Tiani au pouvoir. Le régime a également annoncé son intention de porter plainte contre RFI pour « incitation aux génocides et aux massacres intercommunautaires », sans préciser les détails.

Reportage sur une attaque jihadiste meurtrière contesté

À l’origine de ces tensions, un reportage de RFI et de la BBC diffusé mercredi. Les deux médias y faisaient état d’une attaque jihadiste particulièrement meurtrière survenue la veille dans l’ouest du Niger, avec au moins 90 soldats et 40 civils tués selon eux. Des bilans impossibles à vérifier de source indépendante, mais confirmés à demi-mot par une source sécuritaire occidentale.

La junte a fermement démenti l’existence de cette attaque, évoquant une « campagne d’intoxication » et des « affirmations infondées ». Tout en annonçant paradoxalement mercredi la mort de 10 soldats dans une autre attaque, confirmant la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays.

Une confédération de juntes sahéliennes anti-françaises

Au-delà du Niger, c’est toute la region du Sahel qui semble s’enfoncer dans une spirale anti-médias occidentaux. Les voisins malien et burkinabè, également dirigés par des juntes issues de putschs, ciblent régulièrement RFI, France 24 et consorts. Accusations de propagande, suspensions, expulsions de journalistes : la liberté d’informer est sous pression.

Ces trois pays ont officialisé leur alliance au sein de la Confédération des États du Sahel, aux discours de plus en plus hostiles à la France et ses intérêts dans la zone. Le départ forcé des militaires français engagés dans la lutte anti-jihadiste en est le symbole le plus visible. Les voix critiques y sont de plus en plus réduites au silence.

La menace jihadiste omniprésente en toile de fond

Pendant ce temps, les groupes armés affiliés à Al-Qaida ou à l’État Islamique poursuivent leurs attaques meurtrières. Selon l’ONG Acled, au moins 1500 civils et militaires ont été tués depuis un an au Niger, un bilan qui a doublé en un an. Des bilans partiels et en deçà de la réalité compte tenu de l’opacité imposée par les autorités.

Entre coups d’État à répétition, durcissement sécuritaire et pressions sur les médias, la situation au Sahel est plus préoccupante que jamais. La suspension de la BBC au Niger en est le dernier symptôme en date. Jusqu’où ira cette dérive liberticide dans une région déjà à vif ?

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