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Sonia Mejri : Vers un Procès pour Crimes Terroristes

Sonia Mejri, une revenante de Syrie, devait être la première française jugée pour génocide sur les Yazidis. Mais la justice a décidé d'abandonner ces poursuites et de la juger plutôt pour terrorisme et complicité de crimes contre l'humanité. Un tournant dans ce dossier inédit qui soulève de nombreuses questions...

Un rebondissement inattendu vient de se produire dans l’affaire Sonia Mejri, cette Française revenue de Syrie qui devait être la première « revenante » jugée en France pour génocide sur la minorité yazidie. Selon des sources proches du dossier, la justice française a finalement décidé d’abandonner les poursuites pour génocide et crimes contre l’humanité à son encontre. À la place, Sonia Mejri sera jugée devant la cour d’assises spéciale de Paris pour complicité de viols constitutifs de crimes contre l’humanité et association de malfaiteurs terroriste criminelle.

Une décision qui fait débat

Cette décision de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris ne fait pas l’unanimité. En septembre dernier, un magistrat instructeur avait en effet ordonné le renvoi de Sonia Mejri et de son ex-mari Abdelnasser Benyoucef, les soupçonnant d’avoir réduit en esclavage une adolescente yazidie de 16 ans au printemps 2015. Le magistrat estimait que le couple avait participé à l’attaque menée par l’État islamique contre la communauté yazidie.

Mais visiblement, un désaccord existait entre les magistrats chargés de l’affaire. L’ordonnance de renvoi n’était pas signée par la seconde juge spécialisée dans les crimes contre l’humanité, signe de divergences sur la qualification des faits. La défense de Sonia Mejri avait fait appel, arguant du manque d’éléments pour établir un acte de génocide ou une intention génocidaire de sa part.

Le témoignage clé de la victime yazidie

Au cœur de ce dossier complexe se trouve le témoignage poignant de la jeune Yazidie, retrouvée par les enquêteurs. Elle affirme avoir été séquestrée pendant plus d’un mois en Syrie, privée d’eau, de nourriture et de douche sans l’autorisation de Sonia Mejri. Elle accuse aussi cette dernière de violences et d’avoir eu connaissance des viols quotidiens perpétrés par son mari. Des faits terribles qui font écho aux nombreux rapports décrivant la stratégie de l’EI visant spécifiquement les Yazidis, avec des marchés aux esclaves et un sordide « département des butins de guerre ».

Sa seule appartenance à l’EI ne suffit pas à lui imputer une adhésion au génocide des Yazidis.

Une source proche du dossier

Un procès qui reste historique malgré tout

Même si Sonia Mejri échappe aux accusations de génocide, son procès à venir reste un événement majeur. Son ex-mari, présumé mort en 2016, sera jugé par défaut pour génocide et crimes contre l’humanité sur les Yazidis, ainsi que pour direction d’une association de malfaiteurs terroriste. Une première en France. Et Sonia Mejri devra répondre de complicité de viols comme crimes contre l’humanité, ayant reconnu que son mari avait violé « une fois » l’adolescente retenue.

Pour les parties civiles, malgré l’abandon de certains chefs d’accusation, cette décision de renvoi reste cruciale. Elle entérine la reconnaissance des viols comme « instrument de guerre » et « élément important des crimes contre l’humanité ». La justice française s’aligne ainsi sur d’autres juridictions européennes qui ont établi le lien entre les activités de l’État islamique et des crimes contre l’humanité à caractère sexuel.

Les zones d’ombre qui demeurent

Ce rebondissement judiciaire ne doit pas occulter les nombreuses questions qui restent en suspens dans ce dossier hors norme. Comment évaluer précisément le degré d’implication et d’adhésion de Sonia Mejri aux exactions de l’EI ? Quelles responsabilités portent les « revenants » dans leur ensemble ? Comment caractériser les crimes commis contre les Yazidis et rendre justice à cette minorité persécutée ?

Autant d’interrogations complexes auxquelles le procès de Sonia Mejri apportera peut-être des éléments de réponse. Mais il est clair que cette affaire, par son retentissement et ses implications, est loin d’avoir livré tous ses secrets. Elle illustre en tout cas toute la difficulté pour la justice à qualifier des faits commis dans un contexte aussi troublé que la Syrie en guerre, et à démêler les responsabilités individuelles dans un système terroriste collectif.

En attendant l’ouverture de ce procès inédit, une certitude demeure : les victimes yazidies, brisées par la barbarie, attendent toujours que la vérité éclate et que les coupables, à tous les niveaux, soient enfin face à leurs responsabilités. Un chemin qui s’annonce encore long et semé d’embûches.

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