C’est un rebondissement majeur dans l’affaire Serge Atlaoui. Selon des sources proches du dossier, la France aurait officiellement demandé à l’Indonésie le rapatriement de ce ressortissant français, condamné à mort en 2007 pour trafic de drogue, une accusation qu’il a toujours contestée. Une requête lourde d’enjeux, alors que l’artisan soudeur de 60 ans croupit depuis bientôt 20 ans dans les geôles indonésiennes.
Serge Atlaoui, Une Vie Brisée par une Condamnation Controversée
Retour sur les faits. En 2005, ce père de famille originaire de Metz est arrêté lors d’une descente de police dans une usine à la périphérie de Jakarta. Les autorités y découvrent un laboratoire clandestin de production de drogue. Serge Atlaoui, lui, affirme avoir été embauché uniquement pour installer des machines, persuadé qu’il s’agissait d’une fabrique d’acrylique. Mais pour la justice indonésienne, pas de doute : le Français est un « chimiste », un rouage essentiel du trafic.
S’ensuit un procès expéditif, sur fond de législation antidrogue parmi les plus sévères au monde. Initialement condamné à la perpétuité, Serge Atlaoui voit sa peine alourdie en appel. Verdict : la mort. Les recours et pressions diplomatiques permettront in extremis de suspendre son exécution prévue en 2015, sans pour autant infléchir l’intransigeance des autorités.
La Mobilisation Française et les Espoirs de Rapatriement
Face à ce qu’elle considère comme une erreur judiciaire, la France n’a eu de cesse de plaider la cause de son ressortissant, exhortant Jakarta à la clémence. Une mobilisation portée jusqu’au plus haut sommet de l’État, qui semble aujourd’hui porter ses fruits. Car selon le ministre indonésien des Affaires juridiques, l’ambassade de France a remis le 4 novembre dernier une demande officielle de transfèrement, signée par le Garde des Sceaux en personne.
Pour l’avocat de Serge Atlaoui, Me Sédillot, « l’idée que sa peine puisse être commuée et qu’il puisse ensuite être transféré en France constitue un immense espoir », d’autant que le comportement du détenu est décrit comme « irréprochable ». Du côté de Paris, si l’on confirme des « échanges » avec Jakarta, on se refuse à tout triomphalisme prématuré, assurant simplement rester « mobilisés » sur ce dossier brûlant.
L’Indonésie, Entre Fermeté et Signaux d’Ouverture
Mais qu’en est-il côté indonésien ? Si le pays s’est illustré par le passé par son intransigeance en matière de lutte antidrogue, avec plusieurs exécutions très médiatisées ces dernières années, il semble néanmoins s’ouvrir à la possibilité de transfèrements. Outre le cas Atlaoui, Jakarta a en effet reconnu être en discussion avec les Philippines et l’Australie pour le rapatriement de plusieurs de leurs ressortissants.
Nous espérons que ces transferts pourront se faire d’ici la fin décembre.
Yusril Ihza Mahendra, ministre indonésien en charge des Affaires juridiques et des droits humains
Parmi les dossiers cités, celui de la Philippine Mary Jane Veloso, dans le couloir de la mort depuis 2010 pour trafic d’héroïne, et celui des « Nine de Bali », ces 9 jeunes australiens écroués en 2005 et condamnés à de lourdes peines, là encore pour narcotrafic. Manille a d’ores et déjà annoncé un accord de principe pour le retour de sa ressortissante, tandis qu’une rencontre ministérielle est prévue la semaine prochaine entre Jakarta et Canberra.
Serge Atlaoui, Symbole des Limites de la « Guerre à la Drogue »
Au-delà du seul cas Atlaoui, c’est toute la politique répressive de l’Indonésie qui semble aujourd’hui sur la sellette. Avec 530 condamnés dans le couloir de la mort, dont 88 étrangers, le pays fait régulièrement l’objet de critiques de la part des ONG de défense des droits humains et de pressions diplomatiques.
Et pour cause : depuis la reprise des exécutions en 2013 après un moratoire de 4 ans, ce sont des dizaines de prisonniers, très majoritairement condamnés pour trafic de stupéfiants, qui ont été passés par les armes. Une réalité crue, témoignant de l’échec patent de la « guerre à la drogue » menée à l’échelle mondiale, et de ses dégâts collatéraux.
Dans ce contexte, le cas de Serge Atlaoui, comme celui d’autres ressortissants étrangers avant lui, apparaît comme un symbole. Celui d’une vie brisée par une condamnation expéditive et disproportionnée, sur fond de pressions géopolitiques et de rapports de force entre États. Mais aussi et surtout, le reflet d’un système coercitif à bout de souffle, incapable d’endiguer les trafics autrement que par une répression aveugle.
Alors, la demande de rapatriement formulée par la France marquera-t-elle un tournant dans ce dossier emblématique ? Permettra-t-elle à Serge Atlaoui, après bientôt 20 ans de cauchemar, d’entrevoir enfin la lumière au bout du tunnel ? Rien n’est moins sûr, tant les obstacles diplomatiques et juridiques restent nombreux. Mais pour ce père de famille broyé par la machine judiciaire indonésienne, c’est aujourd’hui le seul espoir qui demeure. Celui qu’un sursaut humaniste l’emporte, enfin, sur la logique implacable du tout répressif.