Le débat sur la place de la corrida dans la société française a une nouvelle fois agité le Parlement. Jeudi, le Sénat a en effet rejeté à une large majorité une proposition de loi visant à interdire la présence des mineurs de moins de 16 ans aux spectacles de tauromachie. Un revers cinglant pour les défenseurs de la cause animale, mais une victoire pour les tenants des traditions locales.
Un texte clivant sur la protection de l’enfance
Portée par la sénatrice Samantha Cazebonne, membre du parti présidentiel, cette proposition entendait protéger les plus jeunes d’un spectacle jugé “traumatisant”. Ses partisans arguaient de la nécessité de préserver “l’innocence” et “la compréhension des valeurs de compassion” chez les enfants. Un argumentaire vivement contesté par les pro-corrida.
Des adultes qui se lèvent et applaudissent le sang, c’est une symbolique importante. Et la responsabilité des adultes, c’est de protéger les enfants.
– Guillaume Gontard, sénateur écologiste
La défense des “traditions locales ininterrompues”
Les opposants au texte se sont eux mobilisés au nom de la préservation des traditions dans les territoires où la corrida reste autorisée, à titre dérogatoire. L’Union des villes taurines françaises a dénoncé “une attaque sans précédent” contre la tauromachie, suscitant un large écho chez les élus locaux.
Respectons nos identités, respectons notre culture et laissons aux parents le choix de la transmettre !
– Laurent Burgoa, sénateur Les Républicains
Le spectre d’une “mort” programmée pour la corrida
Au-delà de la question de l’accès des mineurs, c’est bien l’avenir de la corrida en France qui inquiète ses aficionados. Beaucoup y voient une manœuvre détournée pour condamner cette pratique “à une mort certaine”, en coupant la transmission aux jeunes générations. Des arguments de poids dans des régions où la tauromachie représente un pan de l’identité culturelle.
Des enjeux sociétaux, économiques et juridiques complexes
Malgré l’échec de cette proposition de loi, le débat est loin d’être clos. Les enjeux de protection de l’enfance, de bien-être animal et de respect des traditions s’entrechoquent, sur fond de retombées économiques locales. Le gouvernement, par la voix du ministre de la Justice, a de son côté invoqué le risque d’une ingérence de l’État dans l’autorité parentale.
L’État ne doit pas intervenir [sur l’autorité parentale] sous peine de se montrer paternaliste, voire invasif, et in fine de déresponsabiliser les parents.
– Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice
Deux ans après l’examen avorté d’un texte similaire à l’Assemblée nationale, le Sénat a donc tranché, sans éteindre la controverse. Reste à savoir si les anticorrida, galvanisés par l’évolution des sensibilités sur le bien-être animal, remettront le sujet à l’ordre du jour. Les passions, elles, ne sont pas près de s’apaiser sur cette épineuse question sociétale.