Imaginez une petite fille de dix ans, badge fraîchement cousu sur sa chemise, qui apprend brutalement qu’elle n’a plus sa place dans le mouvement qui l’a accueillie pendant des années. C’est la réalité à laquelle sont confrontées certaines jeunes transgenres au Royaume-Uni depuis quelques jours.
Un arrêt qui change tout
En avril dernier, la Cour suprême britannique a tranché : dans le droit du pays, le mot « femme » désigne désormais exclusivement une personne de sexe biologique féminin à la naissance. Cette décision, attendue depuis longtemps par certains cercles féministes, a des répercussions immédiates sur la vie quotidienne.
Associations sportives, refuges pour femmes victimes de violence, hôpitaux, prisons, et maintenant mouvements de jeunesse : tous doivent revoir leurs politiques d’admission. Le message est clair : l’auto-identification ne suffit plus.
Girlguiding prend une décision douloureuse
Mardi, l’association Girlguiding UK, qui regroupe environ 300 000 membres âgées de 4 à 18 ans, a annoncé qu’elle n’acceptera plus de nouvelles inscriptions de filles ou jeunes femmes transgenres. Seules celles dont le sexe biologique de naissance est féminin seront désormais admises.
Les responsables parlent d’une « décision difficile » prise « le cœur lourd ». Elles précisent avoir agi après avoir reçu des avis juridiques très clairs et après une large consultation interne. En coulisse, la menace de poursuites judiciaires brandie par au moins un parent a visiblement pesé lourd.
« Nous avons toujours voulu être un espace sûr et inclusif pour toutes les filles. Cette nouvelle politique ne reflète pas nos valeurs mais la réalité légale à laquelle nous devons nous conformer. »
Communiqué officiel de Girlguiding UK
Pour l’instant, les membres transgenres déjà inscrites conservent leur place. L’association explique ne pas collecter d’informations sur l’identité de genre et donc ignorer leur nombre exact.
Les Women’s Institutes emboîtent le pas
Le lendemain, la Fédération nationale des Women’s Institutes, ces clubs de femmes historiques présents dans presque chaque village britannique, a annoncé la même mesure. À partir d’avril 2026, plus aucune femme transgenre ne pourra devenir membre.
La présidente Melissa Green exprime « le plus grand regret et une profonde tristesse ». Elle rappelle que son organisation accueillait fièrement des femmes trans depuis plus de quarante ans.
Le ton est presque funèbre : on a l’impression de lire l’annonce de la fin d’une longue histoire d’ouverture et de sororité.
Pourquoi maintenant ? La menace juridique
Derrière les discours empreints d’émotion, la réalité est plus brute. Ces deux organisations, parmi les plus anciennes et respectées du pays, se sentent acculées.
Depuis l’arrêt d’avril, le régulateur britannique de l’égalité (EHRC) a publié des directives, d’abord provisoires puis finales, rappelant que les espaces non mixtes peuvent légalement exclure les personnes transgenres si cela est jugé « proportionné » et nécessaire à la protection des femmes biologiques.
Des parents, des membres, parfois d’anciennes bénévoles ont commencé à brandir la menace de plaintes. Personne n’a envie de voir son association traînée devant les tribunaux et condamnée à payer des amendes colossales.
Des espaces réservés aux femmes : le débat ravivé
Ce revirement pose une question de fond : un espace réservé aux femmes doit-il l’être sur la base du genre ressenti ou du sexe biologique ?
Jusqu’à récemment, la réponse majoritaire dans les milieux progressistes britanniques penchait pour l’inclusion totale. Aujourd’hui, la balance penche dans l’autre sens, soutenue par une jurisprudence désormais solide.
Les conséquences vont bien au-delà des scouts et des clubs de tricot :
- Hôpitaux : certaines ailes gynécologiques refusent déjà les patientes transgenres non opérées.
- Prisons : le placement des détenues transgenres fait l’objet de nouvelles restrictions strictes.
- Sport : plusieurs fédérations ont suivi le même chemin ces derniers mois.
- Refuges pour femmes battues : certains rétablissent des politiques « femmes nées femmes ».
Les réactions ne se sont pas fait attendre
Du côté des associations transgenres, c’est la consternation. Trans+ Solidarity Alliance dénonce une atteinte grave à la liberté d’association et craint que des décennies d’ouverture soient balayées en quelques mois.
« Des groupes qui accueillaient des membres trans depuis des générations se retrouvent à la merci de poursuites qui les contraignent à trahir leurs propres valeurs », déplore l’organisation.
À l’inverse, plusieurs figures du féminisme britannique saluent une « victoire du bon sens » et une protection nécessaire des espaces féminins.
Et demain ? Vers une clarification européenne ?
Le Royaume-Uni, hors Union européenne depuis le Brexit, peut se permettre des évolutions juridiques rapides sur ces questions. Mais l’onde de choc dépasse largement ses frontières.
En France, en Allemagne, en Espagne, des débats similaires agitent les associations féministes, les clubs sportifs et les mouvements de jeunesse. Beaucoup regardent maintenant vers Londres pour voir comment la situation va évoluer dans les prochains mois.
Va-t-on assister à une vague d’exclusions similaires en Europe ? Ou le modèle britannique restera-t-il une exception ?
Une chose est sûre : le sujet est loin d’être clos. Et chaque nouvelle décision, chaque nouveau communiqué continue d’alimenter une polémique passionnée, où les émotions sont à fleur de peau des deux côtés.
En résumé : deux institutions emblématiques britanniques tournent une page douloureuse de leur histoire. Sous la pression juridique et après un arrêt historique, elles choisissent de réserver leurs activités aux personnes nées de sexe féminin. Un choix qui divise profondément la société et qui pourrait bien faire école.
Ce qui se joue aujourd’hui au Royaume-Uni dépasse largement les frontières d’un camp de scouts ou d’un salon de thé villageois. C’est toute la définition contemporaine de l’inclusion qui est en train d’être redessinée, ligne après ligne, jugement après jugement.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Les espaces non mixtes doivent-ils rester réservés au sexe biologique ? Ou assiste-t-on à un recul inquiétant des droits acquis par les personnes transgenres ? Le débat est ouvert, plus brûlant que jamais.









