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Sanctions chinoises : un fabricant de drones US dans la tourmente

Les sanctions de la Chine plombent un fabricant de drones américain, creusant sa dépendance. Derrière des enjeux commerciaux se cachent des intérêts géostratégiques majeurs. Décryptage d'un bras de fer aux répercussions mondiales...

C’est un séisme qui secoue actuellement l’industrie des drones. Skydio, l’un des principaux fabricants américains et fournisseur de l’armée ukrainienne, vient d’être lourdement sanctionné par la Chine. Une décision lourde de conséquences qui pourrait paralyser sa production pendant des mois et renforcer la mainmise chinoise sur ce secteur stratégique. Mais au-delà des enjeux commerciaux, ce sont de véritables intérêts géopolitiques qui se jouent en coulisses.

Coup de tonnerre sur le marché des drones

L’annonce est tombée comme un couperet. Début août, le ministère chinois des Affaires étrangères a décrété une série de sanctions visant Skydio, ainsi que deux autres sociétés de défense américaines. Une mesure de rétorsion directe en réponse à l’aide militaire de 567 millions de dollars accordée par Washington à Taïwan, que Pékin considère comme une province rebelle. Si officiellement ces sanctions ne concernent que les ventes de drones à Taïwan, leurs répercussions s’annoncent bien plus vastes.

Une chaîne d’approvisionnement paralysée

Premier effet concret : Skydio va devoir rationner drastiquement sa production. L’entreprise s’approvisionne en effet massivement en Chine pour des composants essentiels comme les batteries. Résultat, elle va devoir se limiter à une batterie par drone dans les prochains mois, le temps de trouver des fournisseurs alternatifs. Un coup dur pour ce fleuron de la Silicon Valley, devenu le premier fabricant de drones en dehors de Chine.

C’est une tentative d’éliminer le principal fabricant américain de drones et de renforcer la dépendance du monde envers les fournisseurs chinois.

Adam Bry, PDG de Skydio

Les drones, enjeu majeur du conflit ukrainien

Si Skydio est particulièrement visé, c’est aussi pour son implication dans le conflit russo-ukrainien. Ses drones sont en effet massivement utilisés par Kiev, à la fois pour des missions de surveillance et pour documenter de potentiels crimes de guerre. Une épine dans le pied de Moscou, qui peut compter sur le soutien de plus en plus appuyé de son allié chinois dans cette guerre.

Car en ciblant spécifiquement les entreprises travaillant avec l’Ukraine ou Taïwan, Pékin cherche clairement à affaiblir les soutiens de ses rivaux. Une stratégie qui s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes avec les États-Unis, tant sur le plan commercial que géopolitique.

Un secteur ultra-stratégique

Mais l’enjeu va bien au-delà. En s’attaquant à Skydio, la Chine cherche surtout à asseoir sa domination sur le marché hyper stratégique des drones. Un secteur qu’elle contrôle déjà en grande partie via ses propres géants comme DJI, et qui revêt une importance capitale sur le plan militaire et du renseignement.

Nous avons été ciblés parce que nous sommes la plus grande société de drones en dehors de la Chine et parce que nous servons des clients critiques qui font progresser notre sécurité nationale.

Adam Bry, PDG de Skydio

En mettant à genoux la concurrence, Pékin cherche donc à renforcer la dépendance du monde – et en particulier des armées – envers ses propres technologies. Une manière de projeter sa puissance et de peser sur les équilibres géostratégiques via le contrôle de chaînes d’approvisionnement critiques.

Un véritable bras de fer géoéconomique

Au fond, l’affaire Skydio illustre parfaitement le bras de fer géoéconomique qui se joue entre Washington et Pékin. Dans ce conflit, le contrôle des technologies émergentes et des chaînes de valeur est devenu un instrument de puissance majeur, au même titre que la force militaire.

Une réalité que les États-Unis ont bien comprise, eux qui cherchent à tout prix à réduire leur dépendance vis-à-vis de la Chine. Mais dans de nombreux secteurs, à commencer par celui des drones, l’empire du Milieu a déjà pris une longueur d’avance. Et il compte bien s’en servir pour faire avancer ses pions sur l’échiquier mondial…

Une chose est sûre : dans ce jeu d’échecs géopolitique, les entreprises sont en première ligne. Et comme Skydio, elles risquent de faire les frais de cette rivalité croissante entre les deux superpuissances. Car dans cette partie qui se joue à l’échelle planétaire, tous les coups sont désormais permis.

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