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Salvador : Répression Forcée à l’Exil d’une ONG

L'ONG Cristosal, pilier contre la corruption au Salvador, fuit la répression de Bukele. Que devient la liberté dans ce pays ? Lisez la suite pour le savoir.

Au cœur de l’Amérique centrale, un pays autrefois vibrant de promesses semble s’enfoncer dans l’ombre d’une répression grandissante. Le Salvador, sous la gouverne de Nayib Bukele, est aujourd’hui le théâtre d’une lutte silencieuse mais féroce entre un pouvoir autoritaire et ceux qui osent le défier. Parmi eux, une organisation non gouvernementale, connue pour son combat contre la corruption et la défense des droits humains, a dû faire un choix déchirant : l’exil ou la prison. Cette histoire, celle de Cristosal, n’est pas seulement celle d’une ONG. Elle est le miroir d’une société confrontée à la perte progressive de ses libertés fondamentales. Plongeons dans ce récit, où courage et répression s’entrelacent dans un climat de peur.

Une ONG sous Pression : L’Histoire de Cristosal

Fondée il y a un quart de siècle par des évêques anglicans, Cristosal s’est imposée comme une voix incontournable au Salvador. Son action ? Dénoncer les abus de pouvoir, enquêter sur la corruption et soutenir les victimes de violations des droits humains. Mais cette mission, autrefois menée avec détermination sur le sol salvadorien, est aujourd’hui compromise. Face à ce que l’organisation qualifie d’escalade répressive, elle a annoncé, lors d’une conférence de presse au Guatemala, la suspension de ses activités dans son pays d’origine.

Pourquoi un tel choix ? Les accusations de harcèlement, d’espionnage et de diffamation portées contre Cristosal par le gouvernement salvadorien ne sont que la partie visible de l’iceberg. Le directeur de l’ONG, Noah Bullock, n’a pas mâché ses mots : confrontée à un appareil répressif sans limites, l’organisation n’a eu d’autre choix que de s’exiler pour protéger ses membres. Désormais, ses opérations se poursuivront depuis des bureaux au Guatemala et au Honduras, deux pays voisins où la liberté d’action reste, pour l’instant, préservée.

Une Loi Controversée : Les « Agents Étrangers »

Un tournant décisif dans cette affaire est survenu en juin avec l’entrée en vigueur d’une loi dite des agents étrangers. Inspirée de législations similaires en Russie et au Nicaragua, cette mesure impose aux ONG une taxe de 30 % sur les fonds qu’elles reçoivent de l’étranger. Pour une organisation comme Cristosal, qui dépend principalement de dons internationaux, cette disposition est perçue comme une arme d’asphyxie financière. Mais ce n’est pas tout. Cette loi, qualifiée de contrôle autoritaire par l’ONG, permet également une surveillance étatique accrue et des sanctions discrétionnaires visant à museler les voix critiques.

C’est un instrument de contrôle autoritaire qui impose des sanctions discrétionnaires, des taxes punitives et une surveillance étatique pour censurer et punir les organisations indépendantes.

Cristosal

Ce texte législatif n’est pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une série de mesures visant à réduire l’espace démocratique au Salvador. Les organisations internationales de défense des droits humains, y compris Amnesty International, ont dénoncé cette loi comme une entrave directe à la liberté d’association et d’expression. Mais pour Cristosal, l’impact est encore plus concret : il menace la survie même de l’organisation.

L’Arrestation de Ruth Lopez : Un Signal d’Alarme

Le cas de Ruth Lopez, avocate et cheffe de l’unité anti-corruption de Cristosal, illustre parfaitement l’ampleur de la répression. Arrêtée en mai, elle fait face à des accusations de détournement de fonds, des charges qu’elle rejette catégoriquement. Amnesty International, dans un geste fort, l’a déclarée prisonnière d’opinion et exige sa libération immédiate. Selon l’ONG, cette arrestation n’est pas un incident isolé, mais une stratégie délibérée visant à intimider ceux qui osent demander des comptes au pouvoir.

Lopez n’est pas seule. D’autres figures, comme l’avocat environnementaliste Alejandro Henriquez, le constitutionnaliste Enrique Anaya ou encore le leader communautaire José Angel Pérez, ont également été arrêtés ces derniers mois. Ces détentions, souvent sans mandat clair, s’inscrivent dans un climat où critiquer le gouvernement devient un acte de courage, mais aussi de danger.

En chiffres :

  • 30 % : Taxe imposée aux ONG sur les fonds étrangers.
  • 252 : Migrants vénézuéliens incarcérés soutenus par Cristosal.
  • 40 : Journalistes salvadoriens exilés ces derniers mois.

Un Régime d’Exception : La Guerre Contre les Gangs

Le président Nayib Bukele, réélu en février 2024, doit une grande partie de sa popularité à sa guerre contre les gangs. Cette offensive, lancée en 2022 sous un régime d’exception, a permis de réduire drastiquement la violence liée au crime organisé. Mais à quel prix ? Ce régime, prolongé à plusieurs reprises, autorise des arrestations sans mandat judiciaire et d’autres mesures controversées qui, selon les défenseurs des droits humains, ouvrent la porte à des abus.

Cristosal, qui soutient les familles de 252 migrants vénézuéliens arrêtés et incarcérés dans une prison de haute sécurité, a souvent dénoncé les dérives de cette politique. Ces migrants, expulsés des États-Unis en mars, sont devenus des victimes collatérales d’un système où la présomption d’innocence semble s’effacer. Pour l’ONG, ces arrestations arbitraires ne sont qu’un symptôme d’un problème plus large : la transformation du Salvador en un État où la peur règne.

Une Dictature en Marche ?

Pour Noah Bullock, la situation est claire : le Salvador a cessé d’être un État de droit. Lorsqu’exercer ses libertés ou critiquer le pouvoir conduit à l’emprisonnement ou à l’exil, les fondations mêmes de la démocratie s’effritent. L’ONG va plus loin, dénonçant une stratégie visant à soumettre la société à un régime de la peur. Cette affirmation trouve un écho dans les chiffres : plus de 40 journalistes salvadoriens, dont des membres d’un média en ligne connu pour ses enquêtes sur les liens entre le pouvoir et les gangs, ont fui le pays ces derniers mois.

Lorsque contester le pouvoir entraîne des conséquences, la dictature est installée.

Noah Bullock, directeur de Cristosal

Ce climat de répression ne touche pas seulement les journalistes ou les militants. Il affecte l’ensemble de la société salvadorienne, où la peur de parler ou d’agir devient un frein à la liberté d’expression. Les organisations comme Cristosal, qui osent encore lever la voix, sont devenues des cibles prioritaires.

L’Exil : Une Décision Déchirante

Pour Cristosal, la décision de quitter le Salvador n’a pas été prise à la légère. Avec une trentaine de militants sur place, l’ONG a longtemps résisté aux pressions. Mais face à l’arrestation de figures clés comme Ruth Lopez et à l’adoption de lois oppressives, l’exil est devenu inévitable. Depuis le Guatemala et le Honduras, l’organisation entend poursuivre son combat, même à distance. Cette résilience est un message clair : la lutte pour la transparence et les droits humains ne s’arrête pas aux frontières.

Cependant, cet exil pose une question cruciale : que devient une société lorsque ses défenseurs sont réduits au silence ou forcés de partir ? La réponse, selon Cristosal, est alarmante. Le Salvador risque de s’enfoncer dans un système où toute critique est criminalisée, et où la démocratie n’est plus qu’un souvenir.

Événement Impact
Arrestation de Ruth Lopez Intimidation des défenseurs anti-corruption
Loi sur les agents étrangers Asphyxie financière des ONG
Régime d’exception Arrestations sans mandat, abus des droits

Un Combat qui Continue

Malgré les obstacles, Cristosal refuse de baisser les bras. Depuis ses nouveaux bureaux, l’ONG prévoit de continuer à enquêter sur la corruption et à soutenir les victimes de violations des droits humains. Cette détermination est d’autant plus remarquable que le contexte salvadorien devient chaque jour plus hostile. En maintenant sa personnalité juridique au Salvador, l’organisation montre qu’elle n’abandonne pas totalement le terrain, même si ses activités sur place sont suspendues.

Ce combat, toutefois, soulève une question plus large : jusqu’où un gouvernement peut-il aller pour museler ses opposants sans perdre sa légitimité ? Pour beaucoup, la popularité de Bukele, bâtie sur des résultats tangibles dans la lutte contre les gangs, masque une dérive autoritaire qui pourrait avoir des conséquences durables.

Un Avenir Incertain pour la Démocratie Salvadorienne

Le cas de Cristosal n’est que la pointe de l’iceberg. Avec des dizaines de journalistes, militants et avocats contraints à l’exil ou emprisonnés, le Salvador semble s’éloigner chaque jour un peu plus des principes démocratiques. La criminalisation des voix dissidentes, l’adoption de lois répressives et l’instauration d’un régime d’exception sont autant de signaux d’alarme pour la communauté internationale.

Pourtant, dans ce climat oppressant, des lueurs d’espoir persistent. Des organisations comme Cristosal, même en exil, continuent de porter la voix des sans-voix. Leur résilience est une leçon : face à la répression, le courage et la détermination peuvent encore faire la différence. Mais pour combien de temps ?

Les enjeux clés :

  • Liberté d’expression : Menacée par la criminalisation des critiques.
  • Droits humains : Violations croissantes sous le régime d’exception.
  • Démocratie : Un État de droit en péril face à l’autoritarisme.

Le Salvador, à la croisée des chemins, doit maintenant répondre à une question cruciale : peut-il concilier sécurité et liberté, ou sombrera-t-il dans un autoritarisme sans retour ? L’histoire de Cristosal, comme celle de tant d’autres, est un rappel que la démocratie, une fois perdue, est difficile à reconquérir. À nous, observateurs du monde, de rester vigilants face à ces dérives.

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