Paul Kagame, l’homme fort du Rwanda, vient d’être réélu pour un quatrième mandat présidentiel avec un score écrasant de 99,15% des voix. Un plébiscite qui soulève des questions sur la nature démocratique du scrutin dans ce pays d’Afrique de l’Est encore marqué par le génocide de 1994. Quelle est la recette du succès de Kagame? Quels sont les défis qui l’attendent pour ce nouveau mandat? Analyse.
Kagame, l’homme providentiel qui divise
Pour beaucoup de Rwandais, Paul Kagame est celui qui a stoppé le génocide qui a fait 800 000 morts en 1994, majoritairement dans la minorité Tutsi. Arrivé au pouvoir en 2000, il a su redresser le pays et en faire un modèle de développement économique reconnu internationalement. Kigali, la capitale, est devenue une vitrine de modernité.
Mais ces succès ont un revers. Selon ses détracteurs, Kagame règne sans partage, muselle toute opposition et restreint drastiquement la liberté d’expression. Des journalistes et opposants ont été emprisonnés ou ont dû s’exiler. La société civile est sous contrôle.
Si les élections étaient réellement libres, je pense que Kagame l’emporterait tout de même haut la main.
Benjamin Chemouni, professeur à l’Université catholique de Louvain.
Le spectre du génocide
Pour le chercheur, le score de Kagame doit être analysé à l’aune du passé traumatique du Rwanda. Avant le génocide, les élections libres avaient souvent dégénéré en violences ethniques entre Hutus et Tutsis. Beaucoup de Rwandais voient donc d’un bon œil le contrôle exercé par le régime, garant de stabilité. La peur d’un retour des démons du passé est palpable.
La croissance économique comme légitimité
Avec des taux de croissance avoisinant les 8% par an, le Rwanda fait figure de bon élève. Kagame a su attirer les investisseurs en misant sur les nouvelles technologies et une gouvernance efficace. La pauvreté a reculé, même si les inégalités persistent. Cette réussite économique constitue le socle de la popularité du président.
Quel bilan en matière de réconciliation ?
Sur le plan de la réconciliation entre Hutus et Tutsis, le chemin parcouru est immense mais le travail est loin d’être achevé. Le régime a banni les références ethniques mais les plaies restent vives. Des associations de rescapés du génocide reprochent à Kagame de ne pas en faire assez pour juger tous les coupables.
Les défis du nouveau mandat
À 65 ans, Kagame n’a pas désigné de successeur et la question de l’après Kagame commence à se poser. Le président devra trouver un équilibre entre le maintien de son emprise et une nécessaire ouverture démocratique. Les tensions avec certains pays voisins, qui accusent le Rwanda de soutenir des rébellions, seront aussi à gérer. Enfin, le pays est encore très dépendant de l’aide internationale.
Ce quatrième mandat sera donc décisif pour Paul Kagame. S’il poursuit sur sa lancée, son bilan restera contrasté entre succès économiques incontestables, stabilité retrouvée mais aussi verrouillage de l’espace démocratique. L’histoire jugera si l’homme providentiel du Rwanda aura réussi son pari sur le long terme.