Les relations franco-britanniques post-Brexit se crispent sur fond de crise migratoire. Vendredi dernier, le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau a lancé un avertissement clair lors d’une visite sur le littoral du Pas-de-Calais : la France ne peut plus se contenter d’être un simple « gardien de la frontière » pour le compte du Royaume-Uni.
Un lourd tribut humain
Derrière ces tensions diplomatiques se cache un drame humanitaire. Selon les autorités françaises, 72 migrants ont perdu la vie cette année en tentant de rejoindre l’Angleterre sur des embarcations de fortune. « Ce n’est pas tolérable, c’est une tragédie », a souligné M. Retailleau, pointant du doigt la responsabilité des passeurs mais aussi du Royaume-Uni, accusé de profiter d’une main d’œuvre à bas coût.
Le Brexit, un game changer
Pour le ministre, le Brexit a changé la donne en « détruisant toutes les relations migratoires » précédemment en place entre les deux pays. Il réclame donc une renégociation en profondeur, menaçant même de dénoncer les accords du Touquet qui, depuis 2004, fixent les contrôles frontaliers côté français.
La frontière entre la France et le Royaume-Uni, c’est la frontière commune extérieure de l’Europe. Pourquoi la France seule, puisque désormais le Royaume-Uni n’est plus un État membre, devrait supporter tout le poids de la défense de cette frontière extérieure ?
Bruno Retailleau, ministre français de l’Intérieur
Un casse-tête pour Londres aussi
Côté britannique, le nouveau gouvernement travailliste est également sous pression sur ce dossier sensible. Jeudi, il a annoncé un « plan » visant à durcir les conditions d’embauche des travailleurs étrangers et les sanctions pour les entreprises en infraction.
Rendez-vous diplomatiques à venir
Bruno Retailleau a convié son homologue britannique Yvette Cooper dans le Pas-de-Calais le 9 décembre, avant une réunion le lendemain à Londres élargie à d’autres pays européens concernés comme la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Irlande. L’objectif : faire émerger une réponse européenne concertée.
Des mesures concrètes côté français
En parallèle, la France prend des mesures sur son territoire : renforts de police, représentant spécial sur l’immigration au ministère, mission de lutte contre les traversées clandestines… M. Retailleau compte aussi réclamer à Londres un fonds d’indemnisation pour les dégâts subis par les habitants et entreprises du littoral.
Des ONG inquiètes
Ces annonces inquiètent cependant les associations d’aide aux migrants, qui y voient une « militarisation » accrue de la frontière malgré « l’inefficacité avérée de cette politique ». Elles réclament plutôt un renforcement des secours en mer « pour que la Manche cesse d’être un cimetière ».
Un bras de fer qui ne fait que commencer ?
Au final, cette passe d’armes verbale marque peut-être le début d’un long bras de fer entre la France et le Royaume-Uni autour de la question migratoire. Loin des accords bilatéraux de l’ère pré-Brexit, les deux pays semblent désormais sur une trajectoire de confrontation où chacun tente de renvoyer la balle dans le camp de l’autre. Un duel diplomatique dont l’issue reste incertaine, mais qui ne fait qu’ajouter aux drames humains qui se jouent quotidiennement sur le littoral.