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Réfugiées Afghanes : La Musique Contre l’Exil

Shayma et ses amies, exilées au Pakistan, jouent de la guitare en secret, défiant les talibans. Leur rêve d'asile aux USA s'effondre. Jusqu'où iront-elles pour leur liberté ?

Imaginez-vous contraint de murmurer dans votre propre maison, de peur que votre langue natale ne trahisse votre présence. C’est le quotidien de milliers de jeunes Afghanes exilées, comme Shayma et Laylama, qui se cachent au Pakistan, leur guitare comme ultime refuge. Leur histoire, tissée de courage et de résistance, révèle une lutte silencieuse mais puissante contre l’oppression et l’incertitude.

Un Exil Forcé, un Rêve Brisé

En 2022, un an après la prise de pouvoir des talibans, Shayma, 15 ans, et sa sœur Laylama, 16 ans, ont fui l’Afghanistan. Leur destination ? Les États-Unis, où elles espéraient vivre librement, chanter du Bob Dylan ou du Coldplay, et poursuivre leur passion pour la musique. Mais leur rêve s’est effondré lorsque le programme d’accueil des réfugiés afghans a été suspendu par une décision politique, les laissant bloquées à Islamabad, avec 15 000 autres compatriotes.

Le Pakistan, où elles se sont installées, n’est pas un havre de paix. Les autorités intensifient la pression sur les réfugiés, multipliant les expulsions vers l’Afghanistan. Vivre dans l’ombre est devenu leur quotidien, entre la peur d’être dénoncées et l’espoir d’un avenir meilleur. Pourtant, dans ce chaos, la musique reste leur bouée de sauvetage.

La Musique, un Acte de Résistance

Pour Shayma et ses amies, jouer de la guitare est plus qu’un passe-temps : c’est une rébellion. En Afghanistan, les talibans ont interdit la musique, considérée comme une menace à leur régime rigoriste. Le père de Shayma, terrifié par les représailles, a même brûlé sa guitare pour protéger sa famille. Mais au Pakistan, dans la cuisine de leur logement exigu, l’acoustique devient un refuge où elles laissent libre cours à leur créativité.

« L’acoustique de la cuisine est super », confie Shayma, un sourire éclairant son visage.

Avec trois autres anciennes élèves de l’école de musique Miraculous Love Kids de Kaboul, Shayma continue de jouer en secret. Cette école, désormais fermée, était un symbole d’espoir pour les jeunes filles afghanes. Aujourd’hui, ses élèves sont dispersées, certaines aux États-Unis, d’autres coincées au Pakistan, mais toutes unies par leur amour pour la musique.

Un « Apartheid de Genre » en Afghanistan

Retourner en Afghanistan est impensable pour ces jeunes filles. Depuis le retour des talibans, l’Afghanistan est le seul pays au monde à interdire l’éducation aux filles après l’âge de 12 ans. L’ONU qualifie ce régime d’apartheid de genre, un système où les femmes sont systématiquement privées de leurs droits fondamentaux. Pour Zahra, 19 ans, une autre exilée, l’avenir en Afghanistan est inexistant :

« Il n’y a aucun avenir en Afghanistan pour les filles comme nous », affirme Zahra avec détermination.

Face à cette réalité, Shayma, Laylama et leurs amies se terrent dans des logements temporaires à Islamabad ou Karachi, changeant régulièrement d’adresse pour éviter les arrestations. La peur d’une descente de police hante leurs nuits, car une expulsion signifierait un retour forcé vers un pays où leur vie serait en danger.

Le Pakistan, une Prison à Ciel Ouvert

Le Pakistan, bien qu’il accueille des milliers de réfugiés afghans, n’est pas un refuge sûr. Les autorités locales, sous pression économique et politique, durcissent leur politique migratoire. Les visas ne sont plus renouvelés, et des messages diffusés par haut-parleurs dans les mosquées incitent les habitants à dénoncer les Afghans sans papiers. Pour ces jeunes filles, chaque jour est une lutte pour rester invisibles.

Une réalité alarmante :

  • 15 000 Afghans en attente d’un visa pour les États-Unis.
  • Visas non renouvelés par les autorités pakistanaises.
  • Expulsions massives vers l’Afghanistan, un pays en crise.

Un responsable pakistanais, sous couvert d’anonymat, justifie cette politique : « Le Pakistan n’est pas un camp de transit à durée illimitée. » Cette fermeté reflète une stratégie plus large : utiliser les réfugiés comme levier diplomatique pour attirer l’attention des puissances occidentales, qui se désengagent de la région.

La Guitare, une Voix pour les Sans-Voix

Pour Yasmine, une autre musicienne exilée, la guitare est un moyen de donner une voix à celles qui en sont privées. Elle a collaboré à distance avec des artistes internationaux comme Brian Wilson des Beach Boys ou la chanteuse Sia, prouvant que la musique transcende les frontières. « Nous voulons que notre musique serve à ceux qui n’ont pas de voix, particulièrement les Afghanes », explique-t-elle.

Dans leurs logements clandestins, ces jeunes femmes perfectionnent leur anglais sur YouTube, lisent des livres, et jouent des chansons de Coldplay ou d’Imagine Dragons. Ces moments volés sont une bouffée d’oxygène dans un quotidien marqué par la peur et l’incertitude.

Un Monde qui Ferme ses Portes

La suspension du programme d’asile américain est un coup dur pour ces réfugiées. Jessica Bradley Rushing, une militante pour les droits des réfugiés, dénonce cette décision :

« Laisser ces réfugiés dans le flou n’est pas seulement arbitraire, c’est aussi cruel. »

Pour les experts, le Pakistan utilise les réfugiés comme un outil politique. Ibraheem Bahiss, de l’International Crisis Group, explique que les expulsions visent à la fois à faire pression sur les talibans et à signaler à la communauté internationale que le Pakistan ne peut plus assumer seul cette charge. Pendant ce temps, les jeunes filles comme Shayma restent en suspens, coincées entre un passé qu’elles fuient et un avenir incertain.

Tenir Bon Grâce à la Musique

Dans cet exil forcé, la musique est une lueur d’espoir. Elle permet à ces jeunes filles de rester connectées à leurs rêves, à leur identité, et à leur humanité. Chaque note jouée est un défi aux restrictions imposées par les talibans, un cri silencieux pour la liberté.

Défis des Réfugiées Solutions via la Musique
Peur des expulsions Expression émotionnelle à travers la guitare
Interdiction de l’éducation Apprentissage autonome via YouTube
Isolement social Connexion avec des artistes internationaux

Malgré les obstacles, ces jeunes femmes refusent de baisser les bras. Elles continuent d’apprendre, de créer, et de rêver. Leur musique, jouée dans l’ombre, est un symbole de résilience, un rappel que même dans les moments les plus sombres, l’espoir peut trouver une voix.

Un Appel à l’Action

L’histoire de Shayma, Laylama, Zahra et Yasmine n’est pas isolée. Elle reflète le sort de milliers de réfugiés afghans pris au piège d’une crise humanitaire mondiale. Alors que les frontières se ferment et que les politiques migratoires se durcissent, leur combat nous rappelle l’importance de la solidarité internationale.

Leur message est clair : la musique peut être une arme contre l’oppression, mais elle ne suffit pas. Pour que ces jeunes filles puissent un jour chanter librement, il faut des actions concrètes : rouvrir les programmes d’asile, protéger les réfugiés, et donner une voix à celles qui en sont privées.

En attendant, dans une petite cuisine au Pakistan, une guitare résonne, portée par la détermination de jeunes femmes qui refusent de se taire. Leur histoire est un appel à ne pas détourner le regard.

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