Imaginez-vous marcher dans les ruines encore fumantes de Notre-Dame, quelques jours seulement après le terrible incendie d’avril 2019. Le sol est jonché de poutres calcinées et de pierres noircies. Mais au milieu de ce chaos, une équipe d’archéologues s’active, pinceaux et truelles à la main. Car dans les cendres de la cathédrale, c’est toute son histoire qui resurgit.
Une occasion unique pour les archéologues
Le sinistre, aussi dramatique soit-il, offre une opportunité inédite aux scientifiques. Les archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) peuvent enfin fouiller ce lieu historique et emblématique, d’ordinaire inaccessible. Pendant cinq ans, ils vont passer au peigne fin chaque recoin, accumulant un trésor de données.
Pour les archéologues concernés, cette exploration du sous-sol de la plus célèbre des cathédrales est une chance unique, qui ne devrait jamais se reproduire dans leur carrière.
Dominique Garcia, Président de l’Inrap
Des vestiges antiques sous la nef
Sous le dallage de la nef, les premières découvertes remontent à l’époque gallo-romaine. Des fragments de mosaïques, des pièces de monnaie, de la céramique attestent de l’occupation du site dès l’Antiquité. Lutèce, la ville romaine, s’étendait déjà sur l’île de la Cité.
Un sarcophage du 14ème siècle
Mais la trouvaille la plus spectaculaire est sans conteste ce sarcophage anthropomorphe, taillé dans un bloc de plomb. À l’intérieur, la dépouille d’un dignitaire religieux du 14ème siècle, remarquablement conservée. Peut-être un évêque ou un haut personnage de la cour royale. Des analyses poussées doivent encore livrer tous ses secrets.
La découverte d’un tel sarcophage est exceptionnelle. Par son matériau, sa facture, et son état de conservation, il témoigne des pratiques funéraires de l’élite médiévale.
Christophe Besnier, Archéologue à l’Inrap
Les secrets de la construction révélés
Les fouilles lèvent aussi le voile sur les techniques de construction de la cathédrale. Elles mettent en lumière les différentes étapes d’édification, les agrandissements et remaniements successifs depuis le 12ème siècle. Sous le regard des archéologues, Notre-Dame livre les ingénieux savoir-faire de ses bâtisseurs médiévaux.
- Fondations d’une première église du 6ème siècle
- Bases des murs de la cathédrale romane du 12ème
- Éléments du jubé gothique du 13ème, détruit au 18ème
- Chapelles latérales ajoutées aux 14-15èmes siècles
Un puzzle géant pour les scientifiques
Chaque pierre, chaque fragment raconte un morceau de l’histoire de Notre-Dame et de Paris. Les archéologues devront maintenant rassembler les pièces de ce puzzle géant. Un travail titanesque les attend : des milliers d’artefacts à analyser, dater, interpréter. Des années de recherches pour reconstituer 2000 ans d’histoire.
Notre-Dame est un livre d’histoire et d’architecture. Il faudra des années pour assimiler toutes les données recueillies. C’est une mine d’or scientifique.
Philippe Jost, Président de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale
Une meilleure connaissance pour mieux restaurer
Ces découvertes archéologiques seront aussi précieuses pour la restauration de l’édifice. Les informations collectées sur les fondations, la structure, les matériaux employés guideront les architectes dans leurs choix. L’objectif : restituer Notre-Dame dans sa splendeur, en restant au plus près de sa réalité historique.
Les fouilles archéologiques menées dans Notre-Dame depuis l’incendie révèlent une histoire plus riche et plus ancienne que ce que l’on imaginait. Elles nous rappellent la valeur inestimable de ce joyau patrimonial. Un héritage à préserver pour les générations futures, comme un témoignage vivant de notre passé.