C’est un procès hors norme qui s’ouvre ce lundi à Londres. Un procès dont l’enjeu se chiffre à plusieurs dizaines de milliards d’euros et qui pourrait faire date dans l’histoire de la justice environnementale. Sur le banc des accusés : le géant minier australien BHP, mis en cause pour son rôle dans l’une des pires catastrophes écologiques de l’histoire du Brésil. Les plaignants : plus de 620 000 victimes qui attendent depuis bientôt 8 ans une juste réparation.
Retour sur un désastre écologique sans précédent
Le 5 novembre 2015, un barrage de résidus miniers appartenant à Samarco, une coentreprise entre la brésilienne Vale et l’australienne BHP, se rompt près de la ville de Mariana, dans l’État de Minas Gerais. C’est le début d’une catastrophe qui va dévaster toute une région :
- 19 morts
- Plus de 600 personnes déplacées
- Des milliers d’animaux tués
- 280 000 personnes privées d’eau potable
- 650 km de rivières et de forêts dévastés jusqu’à l’océan Atlantique
Une gigantesque coulée de boue toxique chargée de résidus miniers s’est déversée, emportant tout sur son passage. Un désastre environnemental, humain et social dont l’ampleur a choqué le monde entier.
La difficile quête de justice des victimes
Depuis la catastrophe, les victimes se battent pour obtenir réparation. Mais au Brésil, les procédures traînent en longueur et les indemnisations se font attendre, comme en témoigne Monica dos Santos, qui a perdu sa maison :
Nous espérons vraiment que la justice anglaise fera ce que la justice brésilienne n’a pas fait jusqu’à présent.
Des communautés entières, dont plusieurs peuples autochtones, se sont portées parties civiles dans ce procès au Royaume-Uni, où BHP a l’un de ses sièges sociaux. Elles réclament des dommages et intérêts évalués à la hauteur du préjudice subi : 43 milliards d’euros selon leurs avocats.
BHP minimise sa responsabilité
De son côté, BHP se dit “pleinement conscient des impacts” de la tragédie mais rejette sa responsabilité. Le groupe minier estime que ce procès britannique est “inutile” car l’affaire serait “déjà couverte” par les procédures brésiliennes.
BHP assure que 430 000 personnes auraient déjà été indemnisées via la fondation Renova qui gère les compensations au Brésil. Un argument balayé par les avocats des victimes pour qui ces dédommagements restent largement insuffisants :
Cette proposition d’indemnisation n’est pas faite par bonté d’âme mais parce que les entreprises pensent s’en sortir en payant moins au Brésil.
Tom Goodhead, avocat des plaignants
Vendredi, à quelques jours de l’ouverture du procès à Londres, BHP et Vale ont tout de même revu à la hausse leur offre d’indemnisation devant la justice brésilienne, la portant à 27,7 milliards d’euros. Une proposition qui reste en négociation.
Un procès historique scruté dans le monde entier
Ce procès fleuve, qui doit durer jusqu’en mars, est très attendu. Il pourrait créer un précédent majeur en matière de justice environnementale et de responsabilité des multinationales.
Si la responsabilité de BHP était reconnue, un autre procès serait organisé pour évaluer le préjudice de chaque plaignant. Des dommages et intérêts records pourraient être prononcés. Les victimes de Mariana et les défenseurs de l’environnement espèrent que ce procès marquera un tournant, envoyant un signal fort à l’industrie minière :
Les catastrophes écologiques et humaines ne peuvent plus rester impunies. Les multinationales doivent répondre de leurs actes et assumer le coût réel de leurs activités.
Un militant écologiste brésilien
Au-delà du sort des victimes de Mariana, c’est donc aussi l’avenir de la régulation des géants miniers qui se joue en partie dans ce procès hors norme. Un procès à suivre de très près.