Paris, ville lumière, mais aussi théâtre d’une polémique qui fait l’ombre sur ces Jeux olympiques 2024. Au cœur des débats : le port du voile par une athlète française, Sounkamba Sylla, sprinteuse du relais 4x400m. Musulmane pratiquante, la jeune femme de 26 ans souhaitait concourir voilée, comme le lui permettent ses convictions religieuses. Mais c’était sans compter sur l’intransigeance des instances sportives françaises et internationales, au nom du sacro-saint principe de neutralité.
Quand le voile s’invite sur la piste olympique
Tout a commencé quand la Fédération Française d’Athlétisme (FFA) a rappelé à Sounkamba Sylla les règles en vigueur : pas de signe religieux ostentatoire pour représenter la France, sous peine de ne pas être sélectionnée. Un ultimatum vécu comme une atteinte à sa liberté de croyance par la principale intéressée. “Tu es sélectionnée aux JO, organisés dans ton pays, mais tu ne peux pas participer à la cérémonie d’ouverture parce que tu portes un foulard sur la tête” a-t-elle déploré sur Instagram, ironisant : “Le pays de la liberté“…
Le Comité International Olympique (CIO) est venu appuyer cette position, martelant le statut d’agents publics des athlètes olympiques, soumis à un devoir de réserve. Pas question donc de déroger à la charte olympique et à son idéal universaliste, fut-ce au nom de revendications personnelles. Un principe qui semble pourtant à géométrie variable, vu la visible piété de certains sportifs, qui ne manquent pas de remercier leur dieu après une victoire…
La neutralité olympique en question
Au-delà de Sounkamba Sylla, c’est toute la question épineuse de l’expression des convictions dans le sport de haut niveau qui est posée. Comment concilier le respect des croyances individuelles et l’idéal d’universalité cher à l’olympisme ? Un dilemme complexe, dans des sociétés de plus en plus diverses où le fait religieux réclame droit de cité, y compris dans la sphère publique.
Le sport doit être un terrain neutre, porteur de valeurs transcendant les appartenances particulières.
Thomas Bach, président du CIO
Face au tollé suscité par “l’affaire du voile”, des voix se sont élevées pour défendre la liberté des athlètes, plaidant pour plus de souplesse. À l’image de la sénatrice Samia Ghali, pour qui “vouloir gommer toutes les différences, c’est nier ce que les athlètes sont, leur identité propre“. Un point de vue largement relayé sur les réseaux sociaux, beaucoup y voyant une ingérence abusive dans les choix individuels.
Vers un compromis à la française ?
En guise de réponse, un compromis typiquement français semble avoir été trouvé. Lors de la conférence de presse au Club France, Sounkamba Sylla est apparue coiffée d’une casquette aux couleurs nationales, dissimulant subtilement son voile. Une astuce vestimentaire qui lui permettrait de concilier sa foi et les exigences olympiques, du moins en dehors du village des athlètes où le port du foulard serait toléré.
Reste que cette solution, aussi créative soit-elle, a un goût amer. Celui d’un renoncement face au diktat de la pensée dominante, d’une capitulation des convictions sur l’autel du consensus mou. Signe que malgré les beaux discours, le chemin vers une véritable inclusivité dans le sport est encore long. Et que sous les anneaux étincelants des JO, certaines ombres demeurent, rappelant que tous les athlètes ne jouent pas à armes égales. Surtout quand il s’agit d’arborer fièrement ce que l’on est, sans fard ni faux-semblants.