C’est une histoire d’une tragédie annoncée, celle d’une jeune réfugiée afghane dont le destin a basculé en l’espace de quelques mois, victime de traditions ancestrales dévoyées et d’une intégration ratée dans son pays d’accueil, l’Australie. Ruqia Haidari, 21 ans, a été forcée au mariage par sa propre mère en échange d’une dot de 8500€, puis tuée 6 semaines plus tard de la main de son époux, mécontent de son manque de soumission.
Une jeune vie déjà marquée par l’exil
Le parcours de Ruqia Haidari était déjà celui d’une miraculée. En 2013, à seulement 15 ans, elle fuit l’Afghanistan avec sa mère et sa fratrie pour échapper aux persécutions des talibans. La famille trouve refuge dans l’État de Victoria en Australie et tente de se reconstruire une nouvelle vie. Mais très vite, l’adolescente est mariée de force une première fois lors d’une cérémonie religieuse. Une union qui ne durera que 2 ans.
Divorcée à 17 ans, Ruqia se retrouve cataloguée comme une « bewa » au sein de sa communauté, une femme ayant perdu toute valeur sur le marché matrimonial. Malgré son jeune âge, elle aspire pourtant à finir ses études et trouver un emploi avant d’envisager un nouveau mariage, si possible un mariage d’amour cette fois. Mais c’est sans compter la pression sociale et familiale dans ce milieu afghan très conservateur.
Une dot de 8500€ pour sceller son sort
Début 2019, alors que Ruqia vient d’avoir 21 ans, sa mère Sakina Muhammad Jan lui présente un nouveau prétendant, Mohammad Ali Halimi, un afghan de 26 ans. Malgré ses protestations répétées auprès de ses proches et même de ses enseignants, la jeune femme est contrainte d’accepter cette union. La mère empoche au passage une dot de 14.000 dollars australiens, soit environ 8500€.
Le cauchemar ne fait alors que commencer pour Ruqia. Seulement 6 semaines après le mariage, le 18 janvier 2020, Mohammad Ali Halimi égorge froidement son épouse au sein de leur appartement. Le motif ? Il se plaignait que sa jeune épouse « dormait tard et ne faisait pas la cuisine ni le ménage », que leur union n’avait pas été consommée et surtout que Ruqia lui aurait intimé « d’aller se faire foutre ». Un affront intolérable pour cet homme considérant avoir acheté une femme soumise.
Le poids des traditions et l’échec de l’intégration
Au delà de son aspect sordide, cette affaire met en lumière la persistance de traditions archaïques au sein de certaines communautés immigrées, même une fois dans un pays occidentalisé comme l’Australie. Les mariages forcés et l’aspect transactionnel de certaines unions, avec le paiement d’une dot, demeurent une réalité.
Mais ce drame interroge aussi sur la capacité de nos sociétés à intégrer ces populations réfugiées, bien souvent traumatisées, et à leur inculquer les valeurs d’égalité et de respect, notamment entre hommes et femmes. Malgré les dispositifs d’accompagnement, la barrière de la langue et de la culture semble parfois infranchissable et crée un terreau pour la perpétuation de pratiques d’un autre âge.
En condamnant la mère de Ruqia à 8 mois de prison avec sursis pour son rôle dans ce mariage forcé aux conséquences tragiques, la justice australienne envoie un message clair: ces traditions n’ont pas leur place dans une démocratie moderne. Reste à donner aux femmes issues de l’immigration les moyens de s’émanciper de ce carcan familial et culturel pour être maîtresses de leur destin. Un défi de taille que l’Australie, comme de nombreux pays occidentaux, doit encore relever.