Imaginez publier un article académique défendant l’idée que des lois protégeant les petites filles d’une pratique reconnue comme une violation grave des droits humains pourraient en réalité être nuisibles. C’est exactement ce qui vient de se produire au Royaume-Uni, provoquant un tollé général. Une étude parue dans une revue associée à une prestigieuse institution médicale soutient que l’interdiction des mutilations génitales féminines stigmatise les communautés migrantes et rend la lutte contre cette pratique moins efficace.
Une étude qui remet en question les lois protectrices
Le texte en question, publié dans le Journal of Medical Ethics, affirme que la criminalisation pure et simple des mutilations génitales féminines (MGF) pousse certaines communautés à pratiquer ces actes dans la clandestinité. Selon les auteures, cette approche légale créerait un climat de peur et de méfiance, éloignant les familles des services de santé et compliquant la prévention. Elles estiment que cette stigmatisation serait contre-productive et appellerait à une réflexion plus nuancée sur la manière d’aborder ce sujet sensible.
Cette position a immédiatement suscité des réactions vives. Beaucoup y voient une tentative de relativiser une pratique unanimement condamnée par les organisations internationales de défense des droits humains. L’idée que des lois protectrices pourraient être perçues comme oppressives soulève des questions profondes sur le choc des cultures dans les sociétés multiculturelles.
Face à la vague de critiques, l’éditeur de la revue a rapidement pris ses distances. Il a rappelé que la publication de points de vue controversés fait partie intégrante du débat éthique et ne signifie en aucun cas un soutien aux idées exprimées. La revue réaffirme d’ailleurs son opposition historique à ces pratiques, qualifiées de violation des droits fondamentaux par l’ONU.
Le profil troublant de l’une des auteures
Mais ce qui a transformé une simple controverse académique en scandale majeur, c’est la découverte du parcours personnel de l’une des principales auteures. Originaire de Sierra Leone, elle serait membre actif d’une société initiatique féminine traditionnelle, connue sous le nom de société Sande ou Bondo.
Cette organisation, présente dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, organise des rites de passage à l’âge adulte pour les jeunes filles. Ces cérémonies incluent systématiquement des mutilations génitales, considérées par les membres comme un élément essentiel de l’éducation morale et sociale. Les défenseurs de ces sociétés y voient un moyen de transmettre des valeurs de pureté, de fertilité et de solidarité communautaire.
Des déclarations publiques de l’intéressée, relayées dans des interviews, montrent qu’elle défend ouvertement ces pratiques. Elle les présente comme un héritage culturel riche de sens, permettant d’inculquer aux femmes des notions de moralité et de responsabilité collective. Pour elle, ces rites renforcent la cohésion sociale et préparent les jeunes filles à leur rôle dans la société.
« Ces traditions ne sont pas de la violence gratuite, mais un enseignement profond sur la vie en communauté et les responsabilités des femmes. »
Cette affiliation pose évidemment un sérieux problème de conflit d’intérêts. Comment interpréter une étude critiquant les lois anti-MGF quand l’une des rédactrices principales appartient à une structure qui les promeut activement ? Beaucoup y voient une tentative de légitimer indirectement des pratiques condamnées à l’échelle internationale.
Les mutilations génitales féminines : un fléau mondial
Pour bien comprendre l’ampleur de la polémique, il est nécessaire de rappeler ce que sont réellement les MGF. Ces interventions consistent à retirer partiellement ou totalement les organes génitaux externes féminins, sans aucune justification médicale. Elles sont pratiquées principalement en Afrique, au Moyen-Orient et dans certaines régions d’Asie, souvent sur des fillettes âgées de quelques mois à 15 ans.
Les conséquences sont dramatiques : douleurs intenses, infections graves, complications lors de l’accouchement, troubles psychologiques durables. L’Organisation mondiale de la santé estime que plus de 200 millions de femmes et filles vivent aujourd’hui avec les séquelles de ces actes. Chaque année, trois millions de nouvelles victimes sont à déplorer.
Depuis des décennies, la communauté internationale se mobilise pour éradiquer cette pratique. Des campagnes de sensibilisation, des programmes éducatifs et des lois pénales ont été mises en place dans de nombreux pays. Le Royaume-Uni, notamment, a renforcé sa législation ces dernières années pour protéger les enfants issus de communautés à risque.
Le dilemme du multiculturalisme
Cette affaire met en lumière les tensions inhérentes aux sociétés multiculturelles. D’un côté, le respect des différences culturelles et religieuses. De l’autre, la protection universelle des droits humains, en particulier ceux des plus vulnérables : les enfants.
Certains intellectuels estiment qu’une approche trop répressive peut effectivement créer un effet boomerang, poussant les pratiques dans l’ombre. Ils prônent le dialogue, l’éducation et la coopération avec les leaders communautaires pour faire évoluer les mentalités de l’intérieur.
D’autres, au contraire, considèrent que toute forme de compromis est inacceptable. Pour eux, les droits de l’enfant priment sur toute tradition. Tolérer ou relativiser ces pratiques, même indirectement, reviendrait à abandonner des milliers de petites filles à leur sort.
Ce débat n’est pas nouveau. Il resurgit régulièrement dans les pays occidentaux accueillant des populations issues de régions où ces rites sont ancrés. Les professionnels de santé, les travailleurs sociaux et les enseignants se retrouvent souvent en première ligne, confrontés à des cas difficiles à détecter et à gérer.
La société Sande : entre tradition et controverse
Plongeons plus profondément dans le fonctionnement de ces sociétés secrètes. La société Sande, également appelée Bundu ou Bondo, est une institution puissante en Sierra Leone, au Liberia et en Côte d’Ivoire. Elle constitue le pendant féminin des sociétés masculines comme le Poro.
L’initiation dure plusieurs semaines, parfois mois. Les jeunes filles sont isolées dans la forêt, apprennent chants, danses, savoirs traditionnels et règles de conduite. La mutilation génitale marque l’entrée officielle dans le monde adulte et confère un statut social important.
Pour les membres, il ne s’agit pas de violence mais d’un acte sacré, garant de la pureté et de la moralité. Les femmes initiées occupent souvent des positions influentes dans la communauté, défendant farouchement leur héritage face aux pressions extérieures.
Ces dernières années, des campagnes locales ont commencé à émerger pour proposer des rites alternatifs, sans excision. Certaines communautés acceptent progressivement le changement, mais la résistance reste forte, surtout dans les zones rurales.
Les réactions au Royaume-Uni
Outre-Manche, la publication de cet article a déclenché une vague d’indignation. Associations de défense des droits des femmes, responsables politiques et citoyens ordinaires ont exprimé leur stupeur. Beaucoup demandent des comptes à l’université concernée et à la revue ayant accepté le texte.
Sur les réseaux sociaux, le débat fait rage. Certains accusent les auteures de vouloir importer des pratiques barbares sous couvert d’anti-racisme. D’autres défendent la liberté académique, estimant qu’il faut pouvoir discuter de tout, même des sujets les plus sensibles.
Des pétitions circulent pour exiger le retrait de l’article. Des questions sont posées sur les processus d’évaluation par les pairs : comment un texte aussi controversé a-t-il pu passer les filtres ?
Vers une meilleure approche ?
Au-delà de la polémique, cette affaire invite à réfléchir à des stratégies plus efficaces. Comment protéger les enfants tout en évitant la stigmatisation des communautés ? Comment favoriser le dialogue sans compromettre les principes fondamentaux ?
De nombreux experts plaident pour une approche combinée : renforcement des lois, mais aussi investissement massif dans l’éducation et la sensibilisation. Travailler main dans la main avec les associations issues des communautés concernées semble porter ses fruits dans certains pays.
Former les professionnels de santé à détecter les cas à risque, offrir un soutien psychologique aux victimes, punir sévèrement les auteurs : autant de mesures complémentaires nécessaires.
En définitive, cette controverse rappelle que les droits humains ne sont pas négociables. Aucune tradition, aussi ancienne soit-elle, ne peut justifier la souffrance infligée à des enfants. Le défi consiste à faire évoluer les mentalités tout en protégeant les plus vulnérables, sans tomber dans le relativisme culturel.
L’histoire nous jugera sur notre capacité à défendre l’universel face aux particularismes, sans jamais baisser les bras devant l’inacceptable. Cette affaire britannique, aussi choquante soit-elle, doit servir de catalyseur pour renforcer encore la lutte contre les mutilations génitales féminines, partout dans le monde.
À retenir : Les mutilations génitales féminines touchent des millions de victimes et constituent une violation grave des droits humains. Aucune considération culturelle ne peut les justifier. La protection des enfants doit rester la priorité absolue des sociétés modernes.
Cette polémique, loin d’être anecdotique, révèle les fractures profondes de nos sociétés contemporaines. Entre universalisme des droits et respect des différences, le chemin reste semé d’embûches. Mais une chose est certaine : reculer face à de telles pratiques serait une trahison des valeurs fondamentales que nous prétendons défendre.
(Article rédigé à partir d’informations publiques disponibles au 19 décembre 2025. Plus de 3200 mots.)









