Face à la pénurie grandissante de médecins sur son territoire, une commune du sud de la France a décidé de sortir l’artillerie lourde pour attirer de nouveaux praticiens. Barjac, petite ville de 1600 âmes nichée dans le Gard, propose en effet une villa de 400 m² avec piscine à tout médecin qui accepterait de s’y installer. Un pari audacieux et coûteux censé endiguer l’hémorragie médicale qui frappe la région.
Un remède de cheval face aux déserts médicaux
Comme un tiers des Français, les habitants de Barjac vivent aujourd’hui dans ce que l’on appelle un désert médical. La commune a vu ses effectifs de généralistes fondre comme neige au soleil, passant de cinq à un seul médecin pour toute la population. Une situation critique qui a poussé le maire Edouard Chollet à employer les grands moyens.
Sa solution choc ? Mettre à disposition des médecins une villa de standing achetée et rénovée par la mairie, pour la modique somme d’un million d’euros. Un investissement pharaonique pour cette bourgade, mais nécessaire selon l’édile :
Aujourd’hui, sans médecin, on souffre, on angoisse, on meurt. Et ça, c’est terrible, c’est un vrai drame que connaît notre pays.
Edouard Chollet, maire de Barjac
L’idée a de quoi séduire. Piscine, grand jardin, 400 m² habitables avec un cabinet médical flambant neuf au rez-de-chaussée et un vaste appartement à l’étage. De quoi attirer les jeunes praticiens en quête d’un cadre de vie agréable, espère la municipalité. Un argument de poids face aux contraintes de l’exercice en zone rurale.
Un pari soutenu par la population
Du côté des Barjacois, l’initiative suscite un large soutien malgré son coût important pour les finances locales. Beaucoup y voient l’unique moyen de sauver un accès aux soins de proximité menacé de disparition. Comme en témoignent ces réactions recueillies sur place :
C’est bien placé, il pourrait y avoir un médecin, il pourrait y avoir un kiné.
Une habitante de Barjac
Je souhaite m’établir à Barjac, mais je dois dire que l’absence de médecin est un énorme frein.
Un nouvel arrivant
Face à l’urgence, tous les moyens semblent donc bons pour éviter de voir Barjac rejoindre la longue liste des villages médicalement sinistrés. Même si cela implique de consentir un effort financier hors normes pour une commune de cette taille.
D’autres mesures incitatives émergent
Si l’offre barjacoise a de quoi faire rêver, elle n’est pas la seule initiative visant à endiguer la pénurie de médecins en milieu rural ou périurbain. De plus en plus de collectivités mettent en place des mesures attractives pour séduire et fidéliser les professionnels de santé.
Parmi les dispositifs les plus répandus, on retrouve :
- Les primes à l’installation, pouvant aller jusqu’à 50 000 euros, en échange d’un engagement à exercer plusieurs années dans une zone sous-dotée
- Les aides au logement ou à l’acquisition de locaux professionnels
- La mise à disposition de secrétariats mutualisés
- La création de maisons de santé pluridisciplinaires offrant de meilleures conditions de travail
C’est ce qu’a choisi de faire la ville de Revigny-sur-Ornain, 3000 habitants dans la Meuse, en ouvrant un pôle réunissant 7 généralistes. Une façon d’améliorer l’organisation des soins et de casser la solitude des médecins de campagne, comme l’explique Arnaud Buffard, l’un des praticiens nouvellement installés :
On a de la chance parce qu’on est une grosse maison de santé de 7 médecins. On a moins de journées à rallonge ou de week-ends de garde, et plus d’entraide pour suivre nos patients.
Dr Arnaud Buffard, médecin généraliste à Revigny-sur-Ornain
Les retraités rappelés en renfort
Autre piste explorée avec succès par certains territoires : le recours aux médecins retraités. A Hayange en Moselle, ce sont ainsi 8 praticiens seniors qui se relaient pour assurer des consultations dans un ancien service des urgences reconverti.
Un choix avant tout militant pour ces médecins qui refusent de laisser leurs concitoyens sans solution. Comme le confie le Dr Crocitti, 70 ans :
Franchement, on ne fait pas ça pour l’argent. Pour nous, ça serait vraiment un crève-cœur de laisser tomber la chose qui nous tient le plus à cœur, soigner des gens.
Dr Crocitti, médecin retraité
Mais ces vétérans en appellent aussi à des changements plus profonds, comme l’élargissement des compétences des infirmiers pour seconder les médecins dans certaines tâches. Un vœu partagé par de nombreux élus locaux, conscients des limites des mesures incitatives.
Des réformes de fond toujours attendues
Car si les initiatives comme celle de Barjac ont le mérite d’apporter des réponses d’urgence à la crise des déserts médicaux, elles ne sauraient suffire à régler durablement le problème. Pour les maires engagés sur ce front, il est urgent que l’État prenne enfin la mesure du défi et impulse des réformes structurelles.
En ligne de mire, la nécessité de repenser en profondeur la formation et la répartition des médecins sur le territoire. Mais aussi de revaloriser l’exercice de la médecine générale, parent pauvre des politiques de santé depuis des décennies. Des chantiers ardus et de long terme, qui nécessitent une volonté politique forte. En attendant, la course aux mesures attractives risque de s’intensifier entre les communes, au risque de creuser encore les inégalités entre les territoires. Pour le meilleur ou pour le pire.