Et si les prochaines semaines décidaient du sort de l’Europe pour les dix prochaines années ? Alors que la guerre en Ukraine entre dans sa quatrième année, une phrase prononcée à Paris par le ministre italien de la Défense vient de remettre tous les compteurs à zéro.
« Nous verrons très vite si Poutine a une réelle intention de faire la paix. » Guido Crosetto ne mâche pas ses mots. Et derrière cette déclaration apparemment anodine se cache une question qui hante tous les chancelleries européennes depuis février 2022.
Un calendrier qui s’accélère brutalement
Les événements se bousculent. Washington vient de transmettre à Moscou une version actualisée de son plan de paix. L’émissaire américain Steve Witkoff doit se rendre en Russie la semaine prochaine. Côté russe, on parle déjà d’un « processus sérieux ». Mais dans les capitales européennes, le scepticisme domine.
Le ministre italien, cofondateur du parti de Giorgia Meloni, s’est exprimé depuis l’ambassade d’Italie à Paris après un tête-à-tête avec sa homologue française Catherine Vautrin. Son message est clair : les signaux actuels en provenance de Moscou ne permettent pas l’optimisme.
La Russie continue de recruter massivement. Ses investissements militaires atteignent des sommets historiques. Difficile, dans ces conditions, d’y voir les prémices d’une volonté de désescalade.
Le plan américain : entre espoir et méfiance
La première version du projet américain avait provoqué un vent de panique à Kiev et dans plusieurs capitales européennes. On craignait qu’elle ne reprenne trop fidèlement les exigences maximalistes russes. La nouvelle mouture semble avoir été corrigée, mais les détails restent confidentiels.
Ce qui est sûr, c’est que Washington joue désormais le rôle de principal médiateur. Un retournement spectaculaire après des mois où les États-Unis laissaient plutôt l’Europe prendre l’initiative diplomatique.
Le voyage de Steve Witkoff à Moscou sera scruté à la loupe. Chaque mot, chaque geste sera interprété. Car tout le monde sait que le temps presse : l’hiver approche, les fronts sont figés, et la fatigue des populations commence à se faire cruellement sentir.
« Je ne sais pas ce que Poutine a en tête. Nous espérons que cette fois la Russie voudra vraiment s’asseoir à la table et négocier. Je ne suis pas optimiste. »
Guido Crosetto, ministre italien de la Défense
Le piège de la transition post-guerre
Mais le plus surprenant dans les déclarations de Guido Crosetto n’est pas son scepticisme sur les intentions russes actuelles. C’est l’avertissement qu’il lance sur ce qui pourrait se passer… après un éventuel accord de paix.
Car pour le ministre italien, aider l’Ukraine à se reconstruire ne suffira pas. Il faudra aussi anticiper ce qui va se passer en Russie quand deux millions et demi de soldats, payés trois fois le salaire moyen russe, rentreront au pays.
Ils devront retrouver un travail. Une vie normale. Dans une économie ravagée par les sanctions et la guerre. Le parallèle historique qu’il établit est glaçant.
Après la Première Guerre mondiale, le retour massif de soldats démobilisés, dans un contexte de crise économique, avait créé les conditions de la montée du nazisme en Allemagne et du fascisme en Italie. Crosetto pose la question : l’Europe est-elle prête à gérer une instabilité similaire en Russie ?
Le chiffre qui fait froid dans le dos : 2,5 millions de Russes actuellement sous les drapeaux ou engagés dans l’effort de guerre, selon les estimations les plus couramment admises.
L’Europe face à un dilemme historique
Cette réflexion dépasse largement le cadre militaire. Elle touche à la sécurité même du continent. Car une Russie déstabilisée par le retour de centaines de milliers d’hommes armés, formés au combat et frustrés, pourrait constituer une menace bien plus grande que la Russie actuelle.
Le ministre italien appelle implicitement à une vision stratégique globale. Aider l’Ukraine, oui. Mais aussi anticiper les conséquences d’une paix mal préparée côté russe. Un message qui risque de faire grincer des dents dans certaines capitales.
Car qui est prêt à investir dans la stabilisation de la Russie post-Poutine ? Qui acceptera de tendre la main à un pays qui aura été l’agresseur pendant des années ? La question est brutale, mais elle se posera inévitablement.
Les semaines de vérité
Crosetto le dit sans détour : nous n’aurons pas à attendre longtemps. Les prochaines semaines seront décisives. Soit la Russie accepte de négocier sérieusement, soit elle confirme qu’elle mise tout sur une victoire militaire totale.
Les signaux seront multiples. La teneur des discussions avec Steve Witkoff. L’évolution du recrutement militaire russe. Les discours du Kremlin. Tout sera passé au peigne fin par les services de renseignement occidentaux.
Et pendant ce temps, sur le terrain, la guerre continue. Les bombardements. Les pertes. Chaque jour qui passe rend la reconstruction plus difficile et le ressentiment plus profond.
Un scepticisme partagé au plus haut niveau
Le ministre italien n’est pas seul. À Paris, Emmanuel Macron a récemment déclaré qu’il n’y avait « clairement aucune volonté russe » d’accepter un cessez-le-feu. Même tonalité à Berlin, à Londres, à Varsovie.
Seuls les États-Unis semblent encore croire possible une percée diplomatique. Ou du moins, ils jouent cette carte publiquement. Car derrière les déclarations officielles, les calculs stratégiques sont complexes.
Washington sait que l’Europe ne pourra pas soutenir indéfiniment l’effort de guerre ukrainien. Et que l’opinion publique américaine commence à se lasser d’un conflit lointain aux coûts exorbitants.
| Acteur | Position actuelle |
|---|---|
| États-Unis | Médiation active, plan de paix révisé |
| Russie | Discussions « sérieuses » mais recrutement massif |
| Europe | Scepticisme généralisé |
| Ukraine | Refus de toute paix imposée |
Le décor est planté. Les prochaines semaines diront si nous nous dirigeons vers une désescalade historique… ou vers une nouvelle phase, encore plus dangereuse, du conflit.
Car comme le rappelle Guido Crosetto avec une lucidité froide, même la paix pourrait s’avérer explosive si elle n’est pas accompagnée d’une vision à long terme. Une leçon que l’Histoire a déjà enseignée, à ses dépens, il y a un siècle.
Le compte à rebours est lancé.









