C’est un procès aux enjeux colossaux qui se tient actuellement en Bosnie-Herzégovine. Sur le banc des accusés : Milorad Dodik, 65 ans, chef politique des Serbes de Bosnie depuis près de vingt ans et proche du Kremlin. Ce mercredi, l’accusation a requis à son encontre une peine « proche de la peine maximale », soit 5 ans de prison, pour avoir outrepassé les décisions du Haut représentant international chargé de faire respecter l’accord de paix dans le pays.
Des lois contestées au cœur du procès
Le cœur de l’affaire réside dans la promulgation par Milorad Dodik en juillet 2023, en sa qualité de président de la Republika Srpska (RS), l’entité serbe de Bosnie, de deux lois qui venaient d’être annulées par le Haut représentant Christian Schmidt. Ces textes, adoptés par le Parlement de la RS, prévoyaient que les arrêts de la Cour constitutionnelle bosnienne et les décisions du Haut représentant ne seraient plus respectés dans l’entité serbe.
Une peine maximale requise par l’accusation
Face à ce qu’il qualifie d’« acte criminel accompli avec préméditation », le procureur Nedim Cosic a demandé que la peine prononcée soit « plus proche du maximum » encouru, à savoir 5 ans de prison, assortie d’une interdiction d’exercer des fonctions publiques pendant 10 ans. La même peine a été requise pour Milos Lukic, directeur du Journal officiel de l’entité serbe qui a publié les décrets incriminés.
La défense dénonce un « procès politique »
De son côté, l’avocat de M. Dodik, Goran Bubic, a dénoncé un procès « politique », dont « l’objectif, clair, est d’éliminer le président Dodik de la vie politique en Bosnie-Herzégovine », plaidant pour son acquittement. Milorad Dodik lui-même conteste la légitimité du Haut représentant Christian Schmidt, estimant que sa nomination par le Conseil de mise en œuvre de la paix en Bosnie n’a pas été validée par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, contrairement à ses prédécesseurs.
Les lois peuvent être adoptées ou modifiées uniquement par le Parlement bosnien. Elles ne peuvent pas être modifiées par les décisions du Haut représentant.
Milorad Dodik, devant la juge
Un verdict lourd de conséquences pour l’avenir de la Bosnie
Milorad Dodik a mis en garde la juge Sena Uzunovic, qui doit rendre son verdict le mercredi 26 février, affirmant que sa décision « va déterminer l’avenir de la Bosnie » et « pourrait affecter la paix et la stabilité ». Le chef politique serbe a évoqué à plusieurs reprises ces derniers temps le scénario d’une sécession de l’entité serbe en cas de condamnation.
Le parquet avait déjà infligé un coup sérieux à la Bosnie et le verdict pourrait lui infliger un coup mortel.
Milorad Dodik, à la sortie du tribunal
Ce procès intervient dans un contexte de tensions persistantes en Bosnie-Herzégovine, pays profondément divisé depuis la guerre inter-ethnique des années 1990. La communauté internationale s’inquiète régulièrement des velléités sécessionnistes des dirigeants serbes, Milorad Dodik en tête.
Un verdict sous haute surveillance
Le verdict très attendu du 26 février sera donc scruté de près, bien au-delà des frontières de la Bosnie-Herzégovine. Il pourrait en effet, selon son orientation, soit apaiser les tensions, soit au contraire les exacerber, faisant planer le spectre d’une nouvelle crise majeure dans les Balkans. Dans ce petit pays meurtri par la guerre, c’est bien l’avenir de la paix et de la stabilité qui se joue en partie dans ce procès hors norme.