Alors que la menace d’une censure plane sur le gouvernement Barnier, Jean-Luc Mélenchon vient de lancer un pavé dans la mare en proposant une candidature commune de la gauche en cas d’élection présidentielle anticipée. Une offre fédérative qui bouscule les équilibres au sein des forces de gauche.
Une main tendue sous conditions
Le leader de la France Insoumise a indiqué être prêt à s’unir avec ceux qui veulent le rejoindre, mais à une condition : que ce soit sur la base de son programme. Une main tendue donc, mais pas à n’importe quel prix.
Nous sommes partisans d’une candidature commune. On se l’est dit dix fois, sur la base du programme. Et comme nous irons avec le programme, eh bien, vient qui veut, il est bienvenu.
Jean-Luc Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon semble donc vouloir imposer son leadership et sa ligne politique à d’éventuels partenaires. Une stratégie risquée qui pourrait braquer certains alliés potentiels, réticents à se ranger derrière le programme de LFI.
La fin des alliances à la carte ?
Dans son discours, Jean-Luc Mélenchon a également envoyé un message clair au Parti communiste et à l’aile droite du Parti socialiste, indiquant qu’il ne souhaitait plus d’alliance avec eux. Il a fustigé « la comédie qui consiste à venir à chaque élection prendre des circonscriptions et grignoter le programme ».
Une prise de position tranchée qui marque peut-être la fin des alliances à géométrie variable et des négociations d’appareil. Jean-Luc Mélenchon semble vouloir clarifier le jeu à gauche en proposant un programme commun non négociable.
Quel accueil des autres forces de gauche ?
Reste à savoir comment cette proposition sera accueillie par les autres composantes de la gauche. Si la perspective d’une candidature unique pourrait séduire, beaucoup pourraient être réticents à se ranger derrière le programme de LFI sans discussion.
D’après des sources proches du PS et du PCF, ces partis souhaitent un dialogue plus ouvert et des compromis programmatiques. Ils pourraient voir la proposition de Jean-Luc Mélenchon comme un ultimatum plus qu’une main tendue.
Vers une clarification du paysage à gauche
Quoi qu’il en soit, cette prise de position de Jean-Luc Mélenchon aura le mérite de clarifier le débat à gauche. En posant ses conditions, il oblige ses potentiels partenaires à se positionner clairement.
Si sa stratégie est payante, il pourrait réussir à fédérer une partie significative de la gauche derrière son programme et imposer son leadership en vue d’une éventuelle élection anticipée. Mais il prend aussi le risque de braquer une partie de ses alliés et d’approfondir les fractures.
Les leçons de 2022
En filigrane, on sent que Jean-Luc Mélenchon a tiré les leçons de l’élection présidentielle de 2022. Les candidatures multiples à gauche avaient alors réduit ses chances d’accéder au second tour.
En proposant d’emblée une candidature unique, il espère cette fois-ci éviter la dispersion et maximiser les chances de la gauche de se qualifier. Une stratégie offensive qui pourrait rebattre les cartes au sein du pôle de gauche.
L’hypothèse d’une dissolution
Bien sûr, tout cela reste hypothétique tant qu’une élection anticipée n’est pas convoquée. Jean-Luc Mélenchon fait le pari qu’Emmanuel Macron sera contraint de dissoudre l’Assemblée nationale si le gouvernement Barnier est censuré.
Mais rien ne garantit que le Président fasse ce choix. Il pourrait préférer nommer un nouveau Premier ministre et tenter de former une nouvelle majorité. L’opposition ne peut que « demander » une dissolution, sans pouvoir l’imposer.
La stratégie du rapport de force
On le voit, Jean-Luc Mélenchon joue une partition subtile. En brandissant la menace d’une candidature commune, il met la pression sur ses partenaires et adversaires. C’est une stratégie classique du rapport de force et de la guerre de mouvement.
Même sans élection anticipée, cette prise de position lui permet d’occuper le terrain médiatique et politique. Il impose son tempo et ses thèmes, obligeant les autres à réagir et se positionner par rapport à lui.
L’inconnue Macron
Dans ce jeu d’échecs politique, l’attitude d’Emmanuel Macron sera décisive. Jouera-t-il la carte de la dissolution, au risque de donner des arguments à ses opposants ? Ou préférera-t-il jouer la montre et maintenir coûte que coûte le gouvernement Barnier ?
De son choix dépendra en grande partie la suite des événements et la pertinence de la proposition de Jean-Luc Mélenchon. Mais quelle que soit l’issue, le leader de LFI a réussi son coup : replacer la question de l’union de la gauche au cœur du débat.