La place des Omeyyades, haut lieu symbolique de Damas, a été le théâtre jeudi d’une scène inédite depuis la prise de la capitale syrienne début décembre par une coalition islamiste radicale. Des centaines de Syriens et Syriennes, bravant la nouvelle autorité en place, se sont en effet rassemblés pour réclamer haut et fort l’instauration d’un « État libre, séculier et démocratique », respectant pleinement les droits des femmes.
Le basculement du rapport de force avec la fuite de Bachar al-Assad en Russie a ouvert une période d’incertitude sur l’avenir politique du pays. Si le nouveau pouvoir islamiste a promis de « garantir les libertés de tous », beaucoup craignent en réalité une dérive conservatrice et religieuse remettant en cause le statut des femmes et le caractère laïc de l’État. « Nous voulons la démocratie, pas un État religieux », « la religion est à Dieu et la nation à tous », scandaient ainsi les manifestants avec détermination.
Les femmes en première ligne pour défendre leurs droits
Fait notable, les femmes étaient en première ligne de ce rassemblement pro-démocratie. Actrices de premier plan du soulèvement pacifique de 2011 durement réprimé par le régime Assad, elles entendent bien ne pas être les laissées-pour-compte de la transition politique en cours. « Pas de nation libre sans femmes libres », pouvait-on ainsi lire sur les pancartes.
La femme syrienne a toujours été une participante aux soulèvements (…) Nous protégions les manifestants, traitions les blessés et étions emprisonnées.
Raghda al-Khatib, actrice et manifestante
Pour beaucoup, il s’agit d’une « frappe préventive » visant à empêcher l’instauration d’un régime conservateur remettant en cause les acquis et la place des femmes dans la société. Des propos inquiétants d’un responsable des nouvelles autorités sur la « nature particulière » des femmes et le caractère « prématuré » de leur représentation politique ont ainsi suscité un tollé.
Entre craintes et espoirs, la Syrie à la croisée des chemins
Dans ce pays meurtri par une décennie de guerre civile, entre répression sanglante de la contestation pacifique initiale et morcellement du territoire, un immense défi de reconstruction politique, sociale et économique attend désormais les nouvelles autorités. Face aux craintes légitimes d’une partie de la population attachée à un modèle de société séculier et progressiste, quel visage prendra la Syrie de demain ?
- Le nouveau pouvoir saura-t-il rassurer sur ses intentions démocratiques ?
- Les droits fondamentaux et l’égalité hommes-femmes seront-ils pleinement respectés ?
- Un dialogue constructif pourra-t-il s’engager entre toutes les composantes de la société ?
Autant de questions cruciales qui restent pour l’heure sans réponse claire. Une chose est sûre, cette manifestation à Damas envoie un signal fort : la société civile syrienne entend peser de tout son poids pour façonner l’avenir de son pays et ne laissera personne confisquer ou bafouer ses aspirations démocratiques profondes. Un espoir immense mais fragile dont dépendra la réussite ou l’échec de la transition post-Assad.
